C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

S6 / Φ-journal de printemps

notre feuille de route pour le 3ème trimestre

    bonjour, ça va? 

   je souhaiterais organiser avec vous le 3ème trimestre, dont Monsieur le Ministre de l'Education Nationale déclare, ce 6 avril, qu'il "comptera dans le cadre du contrôle continu". 

 Je demande donc à chacune et à chacun d'entre vous de m'adresser au plus tôt un courriel à 


montebellopourleclimat@gmail.com

en prenant soin de préciser vos prénomnom et classe
que le seul usage d'un pseudo ne laisse pas toujours deviner  ;)
   

à vous lire, 
de tout coeur,
Olivier Verseau

ps : dès votre premier envoi à l'adresse ci-dessus, merci de préciser si vous manquez d'un ordinateur, si vous manquez d'une connexion. L'administration du Lycée Montebello a engagé une démarche pour pouvoir à vos éventuels besoins. 

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Samedi 21 mars,
   bonjour, ça va? 
   ça va, en ce 1er jour du printemps?

   Si ça va, et même si ça va pas, et peut-être : surtout si ça va pas trop, alors ...
quand ce sera le moment pour vous, installez-vous, ne survolez pas ce cours pendant 10 ou 15mnprenez le temps, lisez-le vraiment, étudiez-le stylo en main, décidez de lui consacrer le temps nécessaire, c'est-à-dire au moins une heure et demi, mais attention pas une heure et demi en pointillés, 90 vraies minutes de concentration sans interruption, sans écrans adjacents, sans un téléphone qui tyranniquement vous interpelle toutes les 7 secondes, et peut-être même sans musique tonitruante dans vos oreilles - eh oui, ou plutôt eh non, on-peut-pas-penser dans le vacarme de la télécommunication, dans le vacarme tout court. 

   Aujourd'hui ce sera, Bien Cher.es Vous, un cours sur la notion : 

La vérité

simple notion en TLTES et TS - alors qu'il s'agit de l'intitulé d'une des trois grandes parties du programme en TGF et TM

   Comme annoncé, et comme je vous l'avais demandé à propos des notions de votre programme, je vous propose ce cours à la lumière de ce qui arrive en ce mois de mars. "Ce qui arrive" sont les mots que j'emprunte, dans un domaine autre mais pas-si-autre (on en reparlera peut-être plus tard, mais vous pourrez le comprendre par vous-mêmes), au philosophe Paul Virilio dans un beau texte de 2002 que je vous invite à lire.

   A la notion La vérité envisagée à la lumière de ce qui arrive seront associées, bien sûr, d'autres notions du programme : La raison et le réel (L-ES-S), La croyance (M-GF), La démonstration (L-ES-S), L'interprétation (L-ES-S), La matière et l'esprit(L-ES-S), Le langage (L-ES), La technique (L-ES-S-M-GF) et de proche en proche un peu tout le programme (la politique, notamment). Des notions connexes donc, mais aussi des concepts ou simples mots. Par exemple : "véracité", "vraisemblance", "certitude", "doute", "croyance", "confiance/ défiance", etc.

   Remarque : 
j'écris "Ce qui arrive", non pas ce qui nous arrive, parce que justement il n'est pas tout à fait sûr que cela nous arrive au sens où l'on peut douter que cela arrive jusqu'à nous tant il est difficile d'embrasser l'étendue et la complexité de ce qui arrive. 

   Ce qui arrive, c'est assurément une certaine réalité : la pandémie du COVID-19. Mais c'est aussi le fait, donc une autre réalité, que nous parlons beaucoup sur la pandémie elle-même ou en rapport avec celle-ci : depuis les échanges individuels sur les réseaux jusqu'aux ondes radiophoniques de la presse nationale ou internationale en passant par les échanges entre des personnes qui auraient en commun un même lieu de confinement, par les témoignages d'inconnu.es sur internet, par les communiqués des professionnels de santé, par la publication d'études scientifiques, par les prises de parole publiques du Président de la République et des membres de son gouvernement.

  Exercice n°1 : trouvez d'autres exemples de prises de parole et, en élargissant, des exemples de représentations produites à propos du contexte de la pandémie. 
Représentation = ce qui représente (pour nos consciences, pour notre raison, dans notre esprit) la réalité qui est présente à l'extérieur (de nos consciences, de notre raison, de notre esprit). 
Représentation = des mots, un discours, un rapport, une étude, un récit, un roman. 
Mais aussi = un schéma, une image, une courbe mathématique, un tableau Excel,  une oeuvre d'art, etc. 

   Telle est en effet la définition de la vérité qui traditionnellement* s'impose : la vérité est l'accord entre une représentation et la chose présente, entre ce qui est dit et ce qui est, entre l'idée et la chose, entre le discours et le cours des choses, entre l'esprit et le réel (*chez le philosophe Thomas d'Aquin, par exemple, dans Sur la vérité, 1257, Article 1 : "l'adéquation de la chose et de l'intellect ", en latin: adaequationem rei et intellectus). C'est pourquoi il faut d'emblée attirer l'attention - ce que font tous les manuels de philosophie - sur le fait que "la vérité n'est pas la réalité". 
   Comment la vérité pourrait-elle être la réalité alors qu'elle concerne le rapport à la réalité?
  Car les mots "vrai", "faux", ne sont pas des adjectifs qui peuvent qualifier des choses, mais les représentations qui prétendent se rapporter aux choses, ces choses qui existent en dehors et même indépendamment de ces représentations. Les choses, elles, existent. Elles ne sont ni "vraies" ni "fausses" : elles sont réelles. Pour la même raison, elles ne sauraient être irréelles : c'est seulement de nos représentations que nous pouvons dire, quoique de façon peu rigoureuse, qu'elles sont "irréelles", c'est-à-dire "ne correspondant au-dehors, dans la réalité, à aucune chose existante". Le mot "sphinx", par exemple, ou l'image d'un sphinx. De façon peu rigoureuse, parce que le fait que je prononce le mot "sphinx" ou que je dessine un sphinx est assurément un fait réel : mon dessin de sphinx existe réellement, quoique aucun sphinx n'existe. 

Exercice n°2 : répondez aux questions sur le texte suivant 

    « La première signification de Vrai et de Faux semble avoir son origine dans les récits ; et l’on a dit vrai un récit, quand le fait raconté était réellement arrivé ; faux, quand le fait raconté n’était arrivé nulle part. Plus tard, les philosophes ont employé le mot pour désigner l’accord d’une idée avec son objet ; ainsi, l’on appelle idée vraie celle qui montre une chose comme elle est en elle-même ; fausse, celle qui montre une chose autrement qu’elle n’est en réalité. Les idées ne sont pas autre chose en effet que des récits ou des histoires de la nature dans l’esprit. Et de là on en est venu à désigner de la même façon, par métaphore, des choses inertes ; ainsi, quand nous disons de l’or vrai ou de l’or faux, comme si l’or qui nous est présenté racontait quelque chose sur lui-même, ce qui est ou n’est pas en lui. » 

              
 questions : 

a) Combien de parties dans ce texte de Spinoza (facile... elles sont marquées par des locutions adverbiales temporelles)? Mais surtout : quel rapport entre la dernière partie et les précédentes? 


b) Trouvez des exemples de la même catégorie que l'exemple de "l'or", qu'on qualifie, à tort, de "vrai" ou de "faux". Car on dit aussi : "une fausse dent", "un vrai Picasso", etc. Cherchez-en d'autres.


c) Réfléchissez : que veut-on dire, en fait, quand on qualifie une chose de "vraie" ou de "fausse"? En quoi s'agit-il d'une inversion, voire - en un mot - d'une aberration? 


je vous dis, bien che.res vous, 
à demain

ps : n'oubliez pas, hein, de continuer de réfléchir à votre dissertation : Est-ce une faiblesse de croire? En lisant la première partie du corrigé, vous vous apercevrez que ces premières remarques sur La vérité (d'autres suivront...) sont au coeur de la question ;) 

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Dimanche 22 mars,

   bonjour, ça va? 
   ça va en ce 2ème jour du printemps? 

On continue, bien che.res vous. Courage! 
Même règle d'or : prendre le-temps-le-calme-la-concentration++

ps : pourriez-vous m'écrire sur montebellopourleclimat@gmail.com,
pour me confirmer que ... nous sommes bien en contact et que vous recevez 
les pages de ce Φ-journal de mars? Merci 
Car tout cela nous servira de base et de matière pour notre premier télé-cours... bientôt.

   Ce 22.03, je donne suite aux remarques d'hier en vous proposant une mise au clair concernant des distinctions (conceptuelles) importantes. 
  En effet, de même qu'il ne faut pas confondre d'une part ce qui est dit et, d'autre part, ce qui est, il ne faudrait pas confondre ce qui est pensé et ce qui est. 
   Or cette nouvelle distinction ouvre une 2ème articulation  : entre le ...penser et le ...dire. Car parfois, souvent même, voire le plus souvent, mon adhésion à ce que je pense est telle que je ne mets guère de filtre quand il s'agit de dire ce que je crois savoir : quand il s'agit de transformer une pensée que j'ai formée en un énoncé que j'adresse à autrui. Par exemple, si je crois sincèrement (= j'en suis sûr, je ne me pose pas de questions, je ne mets pas en question la prétendue vérité de ce que je pense, je ne dis pas "je crois que", je ne prends pas même la peine de faire précéder ce que j'ai à dire de "je suis sur.e que", j'énonce tout simplement ce que je pense en partant du principe que, bien sûr, ce que je pense est "vrai", que ma pensée s'accorde, bien sûr, avec la réalité), si donc je crois sincèrement que le Covid-19 se transmet des animaux domestiques aux humains, je dirai alentour ce que je pense, je ne mentirai pas, je dirai tout simplement une sottise, une "fausseté". Et si, a contrario, je crois sincèrement que mon ami est caché dans mon armoire - alors qu'au moment où je parle il s'est déjà enfui par la fenêtre de mon salon et qu'il marche maintenant dans la rue - et que je mets à ceux qui le poursuivre que cet ami est dans la ville à déambuler gentiment, mon énoncé serait vrai, malgré moi en quelque sorte : j'aurai énoncé une vérité tout en proférant un mensonge. Ce dernier exemple est emprunté à un texte de KantSur un prétendu droit de mentir par humanité (1797), célébrissime dans la communauté philosophique, que je vous conseille de lire ... posément, en prenant le temps de d'identifier ce que vous ne comprenez pas, sur quoi vous poserez bientôt vos questions ;). On trouve le même type de situation dans la nouvelle de Jean-Paul Sartre, Le mur, que je vous conseille également de lire (il n'y est pas, cette fois, question de se cacher dans une armoire mais dans un cimetière). 
Conceptualisons. Il ne faut pas confondre 1) parler sincèrement, dire ce qu'on sait, ne pas "faire un mensonge" (en disant éventuellement une absolue contre-vérité) et 2) énoncer une vérité. Il ne faut pas confondre 1 et 2 :

  1. la véracité = l'accord entre ce que je dis (à autrui) et ce que je pense (en moi-même)  
  2. la vérité = l'accord entre ce que je dis (ou ce que je pense) et ce qui est ("en dehors", indépendamment de ma parole, de ma pensée).

  • "Véracité", "véridique", "vérace" (plus usité par Descartes au 17ème s. qu'au 21ème par ... Donald Trump par exemple), "mensonge", "mensonger" sont des mots qui concernent l'accord entre une personne et elle-même, un accord intra-subjectif donc (= à l'intérieur du sujet, de la personne, quoique devant autrui puisque le mensonge consiste à dire à autrui le contraire de, ou autre chose que, ce que l'on pense soi-même). 
  • "Vérité", "vrai", "faux" sont des mots qui concernent l'accord entre un sujet pensant-parlant et le réel (le réel étant hors de la parole, hors de la pensée, indépendant de celles-ci au sens où si je pense et dis que la Terre est immobile au sens de "notre" système astrophysique, cela n'empêchera la Terre de continuer de parcourir les        40 000 kilomètres de sa circonférence en 23 heures 56 minutes et 04,3 secondes à la vitesse de 1700 km/h  pour un point situé sur l'équateur ou, à Paris, ville située elle-même dans les latitudes moyennes, 48° N environ, à 1100 km/h - oui, on est plus lent.e à Paris, c'est connu, qu'à Quito, capitale ...de l'Equateur).  
  • "vraisemblable", "vraisemblable" (littéralement  : "semblable au vrai") sont des mots que Tzvetan Todorov propose, dans La Notion de littérature et autres essai (1987), de réserver pour désigner l'accord entre ce que je dis-pense et ce qu'on dit-pense (l'opinion, la doxa).
Lectures : lire, lire des textes, posément, gentiment, en respectant la règle d'or, sinon vous trouverez extrêmement difficiles des textes qui sont seulement ... difficiles. 
  • d'abord, un pas-difficile (je vous assure) : vous remarquerez d'ailleurs que l'auteur, Stuart Mill, commence par employer le mot "vérité" pour lui préférer bientôt celui de "véracité".
  • ensuite, le texte de Kant, moins facile, oui. Lisez au moins l'extrait ci-dessous (l'histoire de l'ami dissimulé chez soi) :

   "Il est possible qu’après que vous avez loyalement répondu oui au meurtrier qui vous demandait si son ennemi était dans la maison, celui-ci en sorte inaperçu et échappe ainsi aux mains de l’assassin, de telle sorte que le crime n’ait pas lieu ; mais, si vous avez menti en disant qu’il n’était pas à la maison et qu’étant réellement sorti (à votre insu) il soit rencontré par le meurtrier, qui commette son crime sur lui, alors vous pouvez être justement accusé d’avoir causé sa mort. En effet, si vous aviez dit la vérité, comme vous la saviez, peut-être le meurtrier, en cherchant son ennemi dans la maison, eût-il été saisi par des voisins accourus à temps, et le crime n’aurait-il pas eu lieu. Celui donc qui ment, quelque généreuse que puisse être son intention, doit, même devant le tribunal civil, encourir la responsabilité de son mensonge et porter la peine des conséquences, si imprévues qu’elles puissent être. C’est que la véracité est un devoir qui doit être regardé comme la base de tous les devoirs fondés sur un contrat, et que, si l’on admet la moindre exception dans la loi de ces devoirs, on la rend chancelante et inutile."

Exercice n°3 : trouvez vous-même 2 ou 3 exemples d'énoncés mensongers qui constituent, à l'insu de la personne qui parle, un énoncé vrai, qui s'accorde malgré le menteur ou la menteuse, avec la réalité que celui-ci ou celle-ci prétendait cacher à autrui.

Non-exercice : parcourez cet article de Wikipédia sur les légendes urbaines... et régalez-vous. 

Non-exercice : écoutez cette chronique radiophonique (4mn) et écrivez à Monsieur Toma Puyeo pour lui dire d'arrêter de faire de l'argent sur le dos des gens apeurés, d'autant plus crédules. 
le thème de cette chronique quotidienne : "Chaque matin, Nicolas Martin, producteur de la Méthode Scientifique [sur France Culture], fait un point quotidien sur l'avancée de la recherche sur le Coronavirus. Il analyse à travers le cas d'un pseudo article scientifique, le danger de la profusion des fake news concernant la pandémie du coronavirus."


voilà, c'est fini pour aujourd'hui!
je vous récris demain 
mais allez à votre rythme, hein, pas de presse, 
pas plus de 3 heures de philo par jour 




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Jeudi 26 mars,


   bonjour, ça va? 
  oui, pas faux, ces temps-ci "à demain" doit s'entendre au sens large. merci à la lycéenne qui, sur les 130 lycéennes et lycéens que je connais, fut jusqu'à aujourd'hui la seule à m'écrire sur montebellopourleclimat@gmail.com pour me dire que ces pages de ce Φ-journal peuvent être, oui, reçues 5 sur 5. En cette période de saturation des services informatiques de l'Education Nationale, il me semble pratique de passer par d'autres canaux. 
Dites-moi si je me trompe, dites-le moi...sur montebellopourleclimat@gmail.com ;)

  Je reviens au texte de Spinoza. Relisez-le s'il vous plaît et reparlons-en maintenant. Au calme, sans bruit intrusif, sans sonneries intempestives, en laissant de côté - autant que faire se peut - les covid-préoccupations.

   Ce qui peut sembler troublant dans ces quelques lignes de Spinoza c'est le contraste entre l'apparente simplicité du propos et les enjeux, abyssaux, de sa thèse. 
La thèse de Spinoza = 

  • la vérité n'est pas quelque chose
  • la vérité n'est pas même vérité d'une chose (car, n'est-ce pas, l'or, la chose "or" n'est ni vraie ni fausse...) 
  • la vérité est vérité d'une parole sur une chose et il faut une seconde parole pour dire la vérité de la première. Dans l'énoncé "c'est faux" ou "c'est vrai", "ceci est faux" ou "cela est vrai", le démonstratif (c' ou ceci ou cela) ne renvoie pas à une chose, mais à un énoncé à propos de cette chose, par exemple "cette chose est de l'or" ou "cette chose est un tableau peint par Picasso", il faut un second énoncé qui se prononce sur le premier, ce second énoncé disant : il est vrai de dire que cette chose est de l'or, ou de dire que ce tableau a été peint par Picasso, ou de dire que cette dent n'est pas une prothèse, etc. Bref,  la vérité naît à la jonction entre parole et réel mais il faut une seconde parole, une parole au 2ème degré pour poser la question de la vérité ... et y répondre. La vérité comme question ne se pose pas à la jonction entre une parole et le réel mais à la jonction entre une parole et une première parole sur le réel. Si, de l'autre côté de cette cloison, j'entendais une personne dire "c'est faux!" ou "c'est vrai!", je pourrais à juste titre présumer que ce dont parle cette personne est ce que vient de dire une autre personne. "Non, tu n'es pas venue hier, non c'est faux, c'est faux de dire, c'est faux de prétendre que tu es venue hier"...
   Cette thèse peut expliquer la nécessaire simplicité du propos tenu par Spinoza, lequel ne prétend pas nous apprendre ce qu'est la vérité, nous apprendre que la vérité est vérité d'une parole sur quelque chose. Comment, en effet, quelqu'un.e pourrait-iel prétendre nous dévoiler ce que nous ne saurions pas déjà sur la vérité? Comment pourrait-iel y parvenir puisqu'il faudrait encore que nous puissions dire si ce qui est dit sur la vérité, sur ce que la vérité est ou ce que la vérité n'est pas, est vrai ou faux. Ainsi, le bref, trrrès bref extrait, de Spinoza ne se présente pas comme une analyse conceptuelle, encore moins comme une argumentation, mais simplement comme un récit, une histoire, pas même l'histoire du sens de deux mots, "vrai" et "faux", plutôt l'histoire de l'emploi de ces deux mots, ce deux  adjectifs qualificatifs. A propos de ce récit, de cette "histoire", chacun.e d'entre nous pourrait poser la question : c'est vrai?, ceci est-il vrai?, ce récit est-il vrai?, autrement dit cette histoire raconte-t-elle les emplois qui réellement, historiquement ("la première signification de ...", "ensuite...", "et de là...",  ces mots ou locutions ont un sens temporel), ont été faits des mots "vrai" et "faux". Ce bref extrait des Pensées Métaphysiques semble une page arrachée à un manuel de grammaire, qui rappellerait non pas le sens des mots mais quel usage de ces mots est correct ou incorrect, rigoureux ou non. Il est important de le remarquer parce que cela invite à constater qu'on ne saurait apprendre ce qu'est la vérité si ... on ne le savait pas déjà. Compte tenu du sens du mot "vérité" que tout le monde est censé connaître, Spinoza suggère que chacun.e est à même d'apprécier si l'emploi du mot "vrai" ou l'emploi du mot "faux", est correct ou non, que chacun.e est à même de relever que parler d' "or vrai", ou d' "or faux", c'est mal employer ces deux mots. 

   Trêve de complications! Retenez s'il vous plaît de ces dernières réflexions que la vérité, l'exigence de vérité, dévoile une propriété du langage propre à l'humain, à savoir que le langage permet non pas seulement de "parler" mais surtout de "parler sur la parole", de dire quelque chose de ce qui est - petite merveille proprement humaine méditée par le linguiste Emile Benvéniste dans un chapitre de ses Problèmes de linguistique générale intitulé significativement "Langage humain et communication animale" (significativement parce que c'est une façon d'annoncer une argumentation établissant qu'un système de communication n'est pas encore un langage). Lisez, s'il vous plaît, ce texte et même, car c'est passionnant, tout le chapitre! Ainsi vous comprendrez que, même si la notion "le langage" est officiellement au programme des seules classes des TES, la notion "La vérité" suppose une réflexion sur le langage, sur ce que signifie "parler" chez les humains, ce que signifie "parler" entre humains. Ce que signifie parler chez les humains c'est "dialoguer" = dire quelque chose sur ce qu'a dit quelqu'un.e d'autre, ou même beaucoup d'autres - ce que, ces derniers temps, nous faisons abondamment, parfois inconsidérément (sottement? ...on ne peut l'exclure).

   Exercice n°4 : expliquez la définition par Benvéniste de ce que signifie "répondre" : "la réponse [est] une réaction linguistique à une manifestation linguistique".

   Non-exercice : au fait, quel rapport y a-t-il entre une réflexion sur "vérité et langage" d'un côté et, d'un autre côté, une réflexion sur "la croyance" ... car je vous rappelle que vous avez, pour une date encore indéterminée (j'attends que vous ayez avancé dans toutes ces réflexions pour vous proposer une date de remise de votre devoir), 
une dissertation à rendre.

Et voilà, bien cher.res vous, c'est fini pour aujourd'hui,
à demain, à bientôt!





Lundi 30 mars,



   bonjour, ça va? 
   ça va en ce 10ème jour du printemps?
   ça va en l'an 2020-1784 = 336, 
   l'an 336 du Thermocène?

  Bien che.res vous, 
 selon moi, il n'y a rien de plus urgent à lire, rien de plus existentiellement réconfortant - plus même qu'un cours de philosophie - que ces lettres d'auteur.es écrites ces temps-ci, Lettres dites d'intérieur, en réécoute sur une émission de Radiofrance que je ne saurais trop vous recommander. 

  Chaque lettre demande seulement 3 minutes d'attention. Elle vous accompagnera, à n'en pas douter, de nombreuses heures, de nombreux jours après. 

   Voici celle lue ce lundi 30 mars. 
   Elle est signée Annie Ernaux 


Un incontournable, croyez*-moi.




à demain, à bientôt!

* ... et ce ne sera pas une faiblesse


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samedi 4 avril,

   bonjour, ça va? 
   ça va en ce 14ème jour du printemps?
   ça va en l'an 2020-1784 = 336, l'an 336 du Thermocène?
   ça va, au lendemain de l'annonce de Monsieur le Ministre de l'Education Nationale concernant les non-épreuves du Baccalauréat 2020? 
  • S'agissant de ladite annonce en date du 3.1.20, quelques références : 
  1. le site du ministère de l'EN
  2. la synthèse sur le site du quotidien LE MONDE
  3. le résumé par le même quotidien
  • S'agissant de la ré-ré-organisation de nos cours printaniers de philosophie, rendez-vous ce lundi 6 avril sur ce blog, sur cette page : je vous expliquerai comment mettre à profit, selon moi, cette période tout à fait inédite dans votre scolarité, dans mon parcours d'enseignant. 
  • S'agissant d'une autre allocution, tout aussi importante, qui donc eut lieu ce même vendredi 3 avril sur les ondes radiophoniques, il y a beaucoup à dire. Beaucoup à  penser, beaucoup à discuter entre nous. En effet, le philosophe et sociologue Bruno Latour, directeur du Master d'Expérimentation en Arts Politiques (SPEAP), à l'Institut des Sciences Politiques de Paris, interrogé par le journaliste Nicolas Demorand, a parlé durant 28 mn autour de sa déclaration liminaire : "Si on ne profite pas de cette situation incroyable pour changer, c’est gâcher une crise". Je vous recommande chaudement, chaleureusement, d'écouter cette émission.
  • Non moins recommandable, la lecture de cet article-inventaire, signé Bruno Latour, publié sur le quotidien AOC (Analyse Opinion Critique) :  "Les gestes-barrières contre le retour à la production d'avant-crise". A lire, donc, de façon à mettre en perspective vos choix de formation pour l'après Bac-2020 avec la réalité sociale et économique à venir - la même réalité qu'avant la pandémie du Covid19, en pire, ou une autre, qu'il nous reste à penser, à vouloir, à anticiper. 
Extraits : 
   " (...) Il y a peut-être quelque chose d’inconvenant à se projeter dans l’après-crise alors que le personnel de santé est, comme on dit, « sur le front », que des millions de gens perdent leur emploi et que beaucoup de familles endeuillées ne peuvent même pas enterrer leurs morts. Et pourtant, c’est bien maintenant qu’il faut se battre pour que la reprise économique, une fois la crise passée, ne ramène pas le même ancien régime climatique contre lequel nous essayions jusqu’ici, assez vainement, de lutter.
En effet, la crise sanitaire est enchâssée dans ce qui n’est pas une crise – toujours passagère – mais une mutation écologique durable et irréversible. Si nous avons de bonne chance de « sortir » de la première, nous n’en avons aucune de « sortir » de la seconde. Les deux situations ne sont pas à la même échelle, mais il est très éclairant de les articuler l’une sur l’autre. En tout cas, ce serait dommage de ne pas se servir de la crise sanitaire pour découvrir d’autres moyens d’entrer dans la mutation écologique autrement qu’à l’aveugle.
   La première leçon du coronavirus est aussi la plus stupéfiante : la preuve est faite, en effet, qu’il est possible, en quelques semaines, de suspendre partout dans le monde et au même moment, un système économique dont on nous disait jusqu’ici qu’il était impossible à ralentir ou à rediriger. À tous les arguments des écologiques sur l’infléchissement de nos modes de vie, on opposait toujours l’argument de la force irréversible du « train du progrès » que rien ne pouvait faire sortir de ses rails, « à cause », disait-on, « de la globalisation ». Or, c’est justement son caractère globalisé qui rend si fragile ce fameux développement, susceptible au contraire de freiner puis de s’arrêter d’un coup.
   En effet, il n’y a pas que les multinationales ou les accords commerciaux ou internet ou les tour operators pour globaliser la planète : chaque entité de cette même planète possède une façon bien à elle d’accrocher ensemble les autres éléments qui composent, à un moment donné, le collectif. Cela est vrai du CO2 qui réchauffe l’atmosphère globale par sa diffusion dans l’air ; des oiseaux migrateurs qui transportent de nouvelles formes de grippe ; mais cela est vrai aussi, nous le réapprenons douloureusement, du coronavirus dont la capacité à relier « tous les humains » passe par le truchement apparemment inoffensif de nos divers crachotis. A globalisateur, globalisateur et demi : question de resocialiser des milliards d’humains, les microbes se posent un peu là !
   D’où cette découverte incroyable : il y avait bien dans le système économique mondial, caché de tous, un signal d’alarme rouge vif avec une bonne grosse poignée d’acier trempée que les chefs d’État, chacun à son tour, pouvaient tirer d’un coup pour stopper « le train du progrès » dans un grand crissement de freins. Si la demande de virer de bord à 90 degrés pour atterrir sur terre paraissait encore en janvier une douce illusion, elle devient beaucoup plus réaliste : tout automobiliste sait que pour avoir une chance de donner un grand coup de volant salvateur sans aller dans le décor, il vaut mieux avoir d’abord ralenti…
   Malheureusement, cette pause soudaine dans le système de production globalisée, il n’y a pas que les écologistes pour y voir une occasion formidable d’avancer leur programme d’atterrissage. Les globalisateurs, ceux qui depuis le mitan du XXe siècle ont inventé l’idée de s’échapper des contraintes planétaires, eux aussi, y voient une chance formidable de rompre encore plus radicalement avec ce qui reste d’obstacles à leur fuite hors du monde. L’occasion est trop belle, pour eux, de se défaire du reste de l’État-providence, du filet de sécurité des plus pauvres, de ce qui demeure encore des réglementations contre la pollution, et, plus cyniquement, de se débarrasser de tous ces gens surnuméraires qui encombrent la planète[1].
   N’oublions pas, en effet, que l’on doit faire l’hypothèse que ces globalisateurs sont conscients de la mutation écologique et que tous leurs efforts, depuis cinquante ans, consistent en même temps à nier l’importance du changement climatique, mais aussi à échapper à ses conséquences en constituant des bastions fortifiés de privilèges qui doivent rester inaccessibles à tous ceux qu’il va bien falloir laisser en plan. Le grand rêve moderniste du partage universel des « fruits du progrès », ils ne sont pas assez naïfs pour y croire, mais, ce qui est nouveau, ils sont assez francs pour ne même pas en donner l’illusion. Ce sont eux qui s’expriment chaque jour sur Fox News et qui gouvernent tous les États climato-sceptiques de la planète de Moscou à Brasilia et de New Delhi à Washington en passant par Londres.
   Ce qui rend la situation actuelle tellement dangereuse, ce n’est pas seulement les morts qui s’accumulent chaque jour davantage, c’est la suspension générale d’un système économique qui donne donc à ceux qui veulent aller beaucoup plus loin dans la fuite hors du monde planétaire, une occasion merveilleuse de « tout remettre en cause ». Il ne faut pas oublier que ce qui rend les globalisateurs tellement dangereux, c’est qu’ils savent forcément qu’ils ont perdu, que le déni de la mutation climatique ne peut pas durer indéfiniment, qu’il n’y a plus aucune chance de réconcilier leur « développement » avec les diverses enveloppes de la planète dans laquelle il faudra bien finir par insérer l’économie. C’est ce qui les rend prêts à tout tenter pour extraire une dernière fois les conditions qui vont leur permettre de durer un peu plus longtemps et de se mettre à l’abri eux et leurs enfants. « L’arrêt de monde », ce coup de frein, cette pause imprévue, leur donne une occasion de fuir plus vite et plus loin qu’ils ne l’auraient jamais imaginé[2]. Les révolutionnaires, pour le moment, ce sont eux.
   C’est là que nous devons agir. Si l’occasion s’ouvre à eux, elle s’ouvre à nous aussi. Si tout est arrêté, tout peut être remis en cause, infléchi, sélectionné, trié, interrompu pour de bon ou au contraire accéléré. L’inventaire annuel, c’est maintenant qu’il faut le faire. A la demande de bon sens : « Relançons le plus rapidement possible la production », il faut répondre par un cri : « Surtout pas ! ». La dernière des choses à faire serait de reprendre à l’identique tout ce que nous faisions avant.
   Par exemple, l’autre jour, on présentait à la télévision un fleuriste hollandais, les larmes aux yeux, obligé de jeter des tonnes de tulipes prêtes à l’envoi qu’il ne pouvait plus expédier par avion dans le monde entier faute de client. On ne peut que le plaindre, bien sûr ; il est juste qu’il soit indemnisé. Mais ensuite la caméra reculait montrant que ses tulipes, il les fait pousser hors-sol sous lumière artificielle avant de les livrer aux avions cargo de Schiphol dans une pluie de kérosène ; de là, l’expression d’un doute : « Mais est-il bien utile de prolonger cette façon de produire et de vendre ce type de fleurs ? ».
   De fil en aiguille, si nous commençons, chacun pour notre compte, à poser de telles questions sur tous les aspects de notre système de production, nous devenons d’efficaces interrupteurs de globalisation – aussi efficaces, millions que nous sommes, que le fameux coronavirus dans sa façon bien à lui de globaliser la planète. Ce que le virus obtient par d’humbles crachotis de bouches en bouches – la suspension de l’économie mondiale –, nous commençons à l’imaginer par nos petits gestes insignifiants mis, eux aussi, bout à bout : à savoir la suspension du système de production. En nous posant ce genre de questions, chacun d’entre nous se met à imaginer des gestes barrières mais pas seulement contre le virus : contre chaque élément d’un mode de production dont nous ne souhaitons pas la reprise.
C’est qu’il ne s’agit plus de reprendre ou d’infléchir un système de production, mais de sortir de la production comme principe unique de rapport au monde. Il ne s’agit pas de révolution, mais de dissolution, pixel après pixel. Comme le montre Pierre Charbonnier, après cent ans de socialisme limité à la seule redistribution des bienfaits de l’économie, il serait peut-être temps d’inventer un socialisme qui conteste la production elle-même. C’est que l’injustice ne se limite pas à la seule redistribution des fruits du progrès, mais à la façon même de faire fructifier la planète. Ce qui ne veut pas dire décroître ou vivre d’amour ou d’eau fraîche, mais apprendre à sélectionner chaque segment de ce fameux système prétendument irréversible, de mettre en cause chacune des connections soi-disant indispensables, et d’éprouver de proche en proche ce qui est désirable et ce qui a cessé de l’être.
   D’où l’importance capitale d’utiliser ce temps de confinement imposé pour décrire, d’abord chacun pour soi, puis en groupe, ce à quoi nous sommes attachés ; ce dont nous sommes prêts à nous libérer ; les chaînes que nous sommes prêts à reconstituer et celles que, par notre comportement, nous sommes décidés à interrompre[3]. Les globalisateurs, eux, semblent avoir une idée très précise de ce qu’ils veulent voir renaître après la reprise : la même chose en pire, industries pétrolières et bateaux de croisière géants en prime. C’est à nous de leur opposer un contre-inventaire. Si en un mois ou deux, des milliards d’humains sont capables, sur un coup de sifflet, d’apprendre la nouvelle « distance sociale », de s’éloigner pour être plus solidaires, de rester chez soi pour ne pas encombrer les hôpitaux, on imagine assez bien la puissance de transformation de ces nouveaux gestes-barrières dressés contre la reprise à l’identique, ou pire, contre un nouveau coup de butoir de ceux qui veulent échapper pour de bon à l’attraction terrestre.
Un outil pour aider au discernement
  Comme il est toujours bon de lier un argument à des exercices pratiques, proposons aux lecteurs d’essayer de répondre à ce petit inventaire. Il sera d’autant plus utile qu’il portera sur une expérience personnelle directement vécue. Il ne s’agit pas seulement d’exprimer une opinion qui vous viendrait à l’esprit, mais de décrire une situation et peut-être de la prolonger par une petite enquête. C’est seulement par la suite, si vous vous donnez les moyens de combiner les réponses pour composer le paysage créé par la superposition des descriptions, que vous déboucherez sur une expression politique incarnée et concrète — mais pas avant.
Attention : ceci n’est pas un questionnaire, il ne s’agit pas d’un sondage. C’est une aide à l’auto-description*.
Il s’agit de faire la liste des activités dont vous vous sentez privés par la crise actuelle et qui vous donnent la sensation d’une atteinte à vos conditions essentielles de subsistance. Pour chaque activité, pouvez-vous indiquer si vous aimeriez que celles-ci reprennent à l’identique (comme avant), mieux, ou qu’elles ne reprennent pas du tout. Répondez aux questions suivantes :
Question 1 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas ?
Question 2 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît nuisible/ superflue/ dangereuse/ incohérente ; b) en quoi sa disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus facile/ plus cohérente ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 1.)
Question 3 : Quelles mesures préconisez-vous pour que les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités ?
Question 4 : Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent/ reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement ?
Question 5 : Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît positive ; b) comment elle rend plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que vous favorisez ; et c) permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables ? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 4.)
Question 6 : Quelles mesures préconisez-vous pour aider les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs à acquérir les capacités/ moyens/ revenus/ instruments permettant la reprise/ le développement/ la création de cette activité ?
(Trouvez ensuite un moyen pour comparer votre description avec celles d’autres participants. La compilation puis la superposition des réponses devraient dessiner peu à peu un paysage composé de lignes de conflits, d’alliances, de controverses et d’oppositions.)
*L’auto-description reprend la procédure des nouveaux cahiers de doléance suggérés dans Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique. Paris, La Découverte, 2017 et développés depuis par un groupe d’artistes et de chercheurs. 
  • Bonus n°1 : 
Pour comprendre nos cyber-addictions et nous en défaire, La série "Dopamine" mise en ligne par ARTE : " Tu es accro à tes applis ? Tous les matins après Twitter, tu checkes tes flammes sur Tinder. Pas de métro sans YouTube ou Candy Crush. Instagram est irrésistible, Facebook addictif, t'es accro à Snapchat... et tu pètes les plombs quand t'as plus de batterie pour Uber. T'inquiète pas c'est normal. Toutes ces applis sont conçues pour te rendre complètement addict en activant dans ton cerveau la molécule responsable du plaisir, de la motivation et de l'addiction... la dopamine ! "
  • Bonus n°2 : 
  Le film culte, L'An 01, "film emblématique* de la contestation libertaire des années 1970 qui aborde des thèmes aussi variés que l'écologie, la négation de l'autorité, l'amour libre, la vie en communauté, le rejet de la propriété privée et du travail
  Le film narre un abandon utopique, consensuel et festif de l'économie de marché et du productivisme. La population décide d'un certain nombre de résolutions dont la première est « On arrête tout » et la deuxième « Après un temps d'arrêt total, ne seront ranimés — avec réticence — que les services et les productions dont le manque se révélera intolérable. Probablement : l'eau pour boire, l'électricité pour lire le soir, la TSF pour dire “Ce n'est pas la fin du monde, c'est l'an 01, et maintenant une page de Mécanique céleste” ». L'entrée en vigueur de ces résolutions correspond au premier jour d'une ère nouvelle, l'An 01." (L'Encyclopédie libre et gratuite Wikipédia).



* on aura constaté qu'un député, François Ruffin, s'en est souvenu puisqu'il a créé une plateforme éponyme.


----------------------------------------------------------------------lundi 6 avril : 
notre feuille de route pour le 3ème trimestre

    bonjour, ça va? 

   je souhaiterais organiser avec vous le 3ème trimestre, dont Monsieur le Ministre de l'Education Nationale déclare, ce 6 avril, qu'il "comptera dans le cadre du contrôle continu". 

 Je demande donc à chacune et à chacun d'entre vous de m'adresser au plus tôt un courriel à 


montebellopourleclimat@gmail.com

en prenant soin de préciser vos prénomnom et classe
que le seul usage d'un pseudo ne laisse pas toujours deviner  ;)
   

à vous lire, 
de tout coeur,
Olivier Verseau

ps : dès votre premier envoi à l'adresse ci-dessus, merci de préciser si vous manquez d'un ordinateur, si vous manquez d'une connexion. L'administration du Lycée Montebello a engagé une démarche pour pouvoir à vos éventuels besoins. ----------------------------------------------------------------------

mardi 7 avril,

   bonjour, ça va? 
   ça va, en ce 17ème jour printanier?
   ça va, en l'an 336 du Thermocène?

  Aujourd'hui, nous revenons à la notion "La vérité" et à votre future dissertation sur l'acte de croire. 
   Aujourd'hui, je répondrai à la question que je vous posais le jeudi 26 mars : quel rapport y a-t-il entre une réflexion sur "vérité et langage" d'un côté et, d'un autre côté, une réflexion sur "la croyance"  ? Ce n'était, au sens scolaire, qu'un non-exercice. Mais c'en était un vrai-de-vrai au sens d'un exercice de la réflexion.
    Peut-être aurez-vous retenu l'idée générale que nous trouvons dans l'extrait des Pensées Métaphysiques de Spinoza (17è s.) lu à la lumière d'un extrait des Problèmes de linguistique générale de Benvéniste (20è s.) : le rapport entre la raison et le réel, entre la matière et l'esprit, entre la conscience et le monde, entre le sujet et l'objet (4 formulations que dans ce contexte, nous considérerons comme équivalentes) ne laisse pas aux sujets humains (= dotés d'une conscience, d'un esprit, d'une raison) le choix de croire ou de ne pas croire.
Car je ne suis pas le réel, je suis un élément du réel (une partie, une parcelle, une infime particule...) qui entre en rapport avec d'autres élements du réel, capable de se représenter ceux-ci, voire de se représenter le réel dans sa totalité. 
En bref, entre le réel et soi il y a la représentation que chacun.e se fait du réel à travers :
  • ses propres perceptions sensorielles au sens où, dit-on, nous aurions 5 sens : la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher ... heureusement, il semble que, parmi les symptômes de la maladie dont on parle aujourd'hui le plus souvent, la disparition de notre sens tactile ne soit pas à craindre... imaginons un peu dans quel embarras nous tomberions si...
  • les perceptions sensorielles de quelqu'un.e d'autre que je connais - perceptions que cette personne me restitue ou non à travers des déclarations ("il y a une abeille sur ton bras", "à Lille, il y a un café avec une salle au 1er étage où tu peux parler à 30 personnes", "à Bamako (Mali), avant l'incendie, j'allais souvent au Marché Rose", etc.). 
  • les perceptions sensorielles d'autrui - qu'autrui relate plus ou moins abondamment ici ou là, sur les réseaux asociaux par exemple (jolie formule, un brin provocatrice, due à l'astrophysicien Aurélien Barrau) à travers des textes, des enregistrements audio, des photos, etc.
  • des représentations de toutes natures : scientifiques, artistiques et, de façon encore plus générale, "culturelles". Le géocentrisme d'un Ptolémée (1-2è s.), l'héliocentrisme d'un Aristarque de Samos (3è s. avant), l'hypothèse héliocentrique d'un Copernic ou la théorie  d'un Galilée, ou dans un tout autre domaine,  les dessins de Charles Le Brun, ou Guernica de Picasso ou le film Shoah de Claude Lanzmann ne sont pas le réel, ce sont des rapports au réel, des représentations du réel.
   Il y a le réel, mais entre le réel et soi (...soi, moi, autrui, les uns, les unes et les autres, on, nous) il y a une représentation de ce réel, incontournable intermédiaire (médiation, plus exactement) entre le réel et soi. 
Pour percevoir, pour connaître, pour comprendre le réel dont je suis un élément et dont j'affirme qu'il existe, il faut que je commence par croire en cette perception, croire en cette connaissance, croire en cette compréhension du réel - ce que Descartes appelle "la créance", usant notamment de l'expression "recevoir en sa créance". 
   Par exemple, il faut que je commence, comme on dit, par "en croire mes yeux", il faut que je croie en ce que je vois (car, n'est-ce pas, décider de ne croire qu'en ce que je vois, c'est encore ...croire). D'où de si nombreuses réflexions, de si nombreux textes philosophiques ou littéraires, ou autres pièces de théâtre, qui ont pour thème la distinction entre la veille et le sommeil : maintenant, suis-je ensommeillé ou éveillé? 
   Par exemple (et on notera que le même siècle fut généreux en réflexions sur ce thème... pourquoi?) : 
   Remarquons qu'aujourd'hui nos conditions de vie tout à fait inédites (le bouleversement de nos relations sociales, notre rapport à l'espace, au temps) proposent, comme chacun.e l'aura noté, un contexte propice à ce genre de réflexions. Ne nous aura-t-il pas fallu quelques nuits avant de nous réveiller au matin en sachant que nous habitions désormais un monde différent de celui que nous connaissions, c'est-à-dire en adhérant immédiatement (= en croyant) à la réalité de ce monde que, peut-être, nos rêves n'avaient pas encore intégré tant sa "réalité" nous laissaient, nous laissent encore, incrédules. 

    Bon, c'est tout pour aujourd'hui. 
    Demain, ... "demain", nous mettrons à profit ces réflexions pour comprendre en quoi les Méditations Métaphysiques du philosophe, mathématicien et physicien René Descartes, constituent une belle entrée dans la question : 

Est-ce une faiblesse de croire?

ps : voici un très beau film, en libre accès jusqu'au 25 avril, permettant de découvrir la pensée d'un philosophe contemporain, André Gorz. Très-très recommandable. Bonne soirée ;)




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vendredi 17 avril,

   bonjour, ça va? 

   ça va en ce 27ème jour du printemps? 
   ça va en l'an 336 du Thermocène?

   Ayant reçu à l'adresse indiquée seulement 14 envois, je dois reproduire ma demande en date du 6 avril : 

"je souhaiterais organiser avec vous le 3ème trimestre, dont Monsieur le Ministre de l'Education Nationale déclare qu'il "comptera dans le cadre du contrôle continu". 

   Afin que toutes et tous puissent recevoir notre feuille de route pour cette fin d'année scolaireje demande à chacune et à chacun d'entre vous de m'adresser au plus tôt un courriel à Montebello pour le climat :

montebellopourleclimat@gmail.com

en prenant soin de préciser vos prénomnom et classe
que le seul usage d'un pseudo ne laisse pas toujours deviner"


    Voilà qui est fait. 
   Revenons-en à notre réflexion sur la notion "la vérité"... et sur la croyance, plus précisément sur la notion de "représentation", tout particulièrement (comme annoncé) à l'importance d'un texte comme le début de la 2ème des Méditations Métaphysiques de Descartes - où il est écrit non pas "Je pense donc je suis" (comme Descartes l'écrit dans le 1er paragraphe de la 4ème partie du Discours de la Méthode), mais : 

    "(...) cette proposition, je suis, j’existe, est nécessairement 
    vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois 
    en mon esprit."

  La différence entre les deux formulations est importante à faire si l'on veut comprendre le projet philosophique de Descartes, "mathématicien, physicien et philosophe français, qui vise à l'établissement d'une première certitude sur laquelle pourraient reposer toutes les autres que nous pourrions acquérir. 

L'objectif de Descartes est en effet de faire le tri entre ce qui semble vrai, voire tout à fait vraisemblable, d'une part et, d'autre part, ce qui est indubitablement vrai, c'est-à-dire vrai-sans-aucun-doute-possible. 

La méthode est simple : il faudra mettre en doute tout énoncé, toute "proposition" (cf. "cette propositionje suis, j’existe, est nécessairement vraie"), qui ne constitue pas une certitude absolue. 

Ordinairement, nous disposons de toutes sortes de certitudes. Mais elles ne sont pas "absolues" parce qu'elles dépendent d'autres, qui à leur tour dépendent d'autres encore, etc. Elles sont en relation entre elles, elles sont relatives les unes les autres, conditionnées les unes par les autres. 

Par exemple, il est certain, dirais-je, qu'il y a devant moi un ordinateur  (1). Mais cette certitude dépend d'une autre, à savoir : je ne suis pas endormi, je ne rêve pas que je suis à mon bureau (2). Ainsi, pour que la proposition 1 puisse être considérée comme certaine, il faudrait avoir établi la certitude de la proposition 2. La proposition 1 est relative à la proposition 2 : si la proposition 2 s'avérait fausse ou indécidable (en fait, je ne suis pas certain que je ne suis pas endormi, pas certain que je ne rêve pas que mes doigts frappent les touches d'un clavier d'ordinateur), la proposition 1 cesse d'être une certitude et doit être mise en doute. C'est d'ailleurs un des arguments utilisés par Descartes dans le 4ème paragraphe de la 1ère de ses Méditations Métaphysiques : 

"Combien de fois m’est-il arrivé de songer la nuit que j’étois en ce lieu, que j’étois habillé, que j’étois auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ! Il me semble bien à présent que ce n’est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier ; que cette tête que je branle n’est point assoupie ; que c’est avec dessein et de propos délibéré que j’étends cette main, et que je la sens : ce qui arrive dans le sommeil ne semble point si clair ni si distinct que tout ceci. Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d’avoir souvent été trompé en dormant par de semblables illusions ; et, en m’arrêtant sur cette pensée, je vois si manifestement qu’il n’y a point d’indices certains par où l’on puisse distinguer nettement la veille d’avec le sommeil, que j’en suis tout étonné ; et mon étonnement est tel qu’il est presque capable de me persuader que je dors." 

Une certitude absolue est celle qui ne dépend d'aucune autre et dont toutes les autres dépendent. 

Cette certitude fonde toutes les autres, toutes les autres reposent sur elle, dépendent d'elle, sont conditionnées par elle. 

L'édifice de nos certitudes repose sur une première certitude, une certitude prim-ordiale, qui en est la fondation. 

Remarque sur "premier" / "primordial" : 
"primordial" est ce qui occupe la place la plus importante dans l'ordre logique (le domaine du raisonnement) ou axiologique (le domaine des valeurs), non pas seulement selon le déroulement chronologique. 
On distingue "premier" et "primordial" tout simplement  parce que ...n'est-ce pas... "on ne commence pas toujours par le commencement", c'est-à-dire par le fondement (logique, axiologique) : en réalité, on ne "commence" pas sa vie, ses pensées, par le primordial, mais par ... ce qui vient, dans le déroulement de nos vies, ou le flux de nos pensées, tout simplement en premier, et qui peut être tout à fait désordonné - et pas du tout primordial

De cette recherche, qui implique une mise en doute méthodique de toutes les "créances" - non seulement les opinions et préjugés, mais encore toutes les évidences ou  connaissances qui ne seraient pas suffisamment fondées - Descartes dit lui-même qu'elle doit être menée "une fois en sa vie", non pas ...chaque jour de la semaine ou à chaque heure d'une journée.

Car il s'agit de fonder une fois pour toutes l'édifice de nos connaissances. D'où la radicalité de sa démarche, de sa méthode : tout, absolument tout, devra être une fois, une seule fois donc, remis en doute... jusqu'à découvrir une certitude elle-même absolue. Découvrir cette certitude ou au moins être certain.e de ne pouvoir la découvrir.

Dans ce "tout", c'est-à-dire toute connaissance prétendument indubitable et dont on peut douter, dont il faut douter même si c'est l'indubitable qui est recherché, on trouve :
  • toute perception (par la vue, l'ouïe, le toucher, le goût,  l'odorat)
  • tout souvenir 
  • toute image
  • tout raisonnement

et finalement
  • les règles mêmes de nos raisonnements
  • et la raison elle-même considérée comme la faculté    de ... raisonner  
La question étant chaque fois, pour chacune de ces représentations : la représentation représente-t-elle fidèlement la chose qu'elle représente? son contenu correspond-il à quelque chose à l'extérieur de la représentation? 

Perceptions, images, souvenirs, raisonnements, règles logiques, la raison elle-même... oui, ça fait beaucoup.

Concernant les raisons de mettre tout cela en doute (car il faut aussi avoir, paradoxalement, de bonnes raisons de douter), il faut lire la première Méditation et le début de la deuxième. J'y reviendrai... "demain".

Mais ce qu'on peut d'ores et déjà dire c'est que le "donc" , dans "je pense donc je suis", ne peut avoir sa place dans une démarche aussi radicale que celle que mène Descartes dans les Méditations (non pas dans le Discours de la Méthode qui est le récit d'une vie, non pas la mise en forme pas à pas, étape après étape, d'une expérience comme c'est le cas dans les Méditations métaphysiques). 

En effet, dans le cadre du doute méthodiquement conduit par Descartes, le raisonnement, les règles du raisonnement, la logique, les "or" et les "donc" sont eux-mêmes remis en question dans leur sens, leur validité logique : aucune certitude ne peut dériver d'une quelconque déduction logique (c'est le sens du mot "donc" : ceci donc cela, de ceci je déduis cela), parce que la logique et toutes les déductions, ou inductions, sont elles-mêmes hors-jeu, hors-circuit, hors-service ...dès lors qu'il s'agit de découvrir une vérité primordialeinconditionnelleabsolueLes règles de la logique sont énoncées par les raisonnement produits par la raison et, tant que n'a pas été établie la validité de la faculté appelée "raison", aucune de ses productions ne peut être elle-même validée.

C'est fini pour aujourd'hui, à demain! 

ps : je vous conseille vivement la lecture de ces 2 textes 
- qui demandent temps et concentration, j'avoue, mais 
quifondamentalement, sont d'actualité ...et d'avenir  ;)



jeudi 7 mai,

   bonjour, ça va? 

   ça va en ce 47ème jour du printemps? 
   ça va en l'an 336 du Thermocène?
  ça va, à quelques heures du discours du Premier Ministre devant exposer les modalités du déconfinement?
   Et si se déconfiner c'était, en réalité, renouer avec le sens du mot confinsemployé le plus souvent au pluriel? 

  Voici, bien cher.es vous, le corrigé des exercices, agrémenté de quelques unes de vos réponses. C'est, ai-je besoin de le souligner?, une nouvelle étape de notre réflexion sur la notion : la vérité. Passionnant.

  Ps : 

  • avez-vous écouté le vibrant hommage d'un écrivain français à Greta Thunberg? Non? C'est ici.
  • avez-vous écouté l'entretien avec Nicolas Hulot sur les ondes radiophoniques?  Non? C'est .
  • et ça, est-ce que cela ne ressemblerait pas à une bonne idée, une très bonne idée. Une excellente. Vous seriez partant.es ?