C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Méditations métaphysiques / programme des notions et perspectives

  Sur le titre général des Méditations métaphysiques (1) : 

« Méditations touchant la philosophie première, dans lesquelles on prouve clairement l’existence de Dieu et la distinction réelle entre l’âme et le corps »

       L’opinion se laisse bercer de l’illusion que « l’esprit français » serait naturellement (?) cartésien, c'est-à-dire méthodique et rationnel. 

Constatons du moins que, en quelques siècles, le modèle de rationalité a changé puisque l’annonce d’une « preuve » de l’existence de Dieu surprend le lecteur, la lectrice au 21ème s. alors qu’il ne pouvait nullement surprendre les contemporains et lecteurs de René Descartes (lui-même mathématicien, physicien, philosophe et théologien) parmi lesquels on compte non seulement des théologiens mais aussi des philosophes (Thomas Hobbes), des mathématiciens (Antoine Arnauld, Pierre Gassendi) et des astronomes (Pierre Gassendi). 

D’ailleurs, la même remarque s’imposerait concernant le rapport de la philosophie aux sciences : aujourd’hui, on pourrait être surpris.e de voir que ce sont les mêmes auteurs qui au 17ème s. écrivent des traités de physique, ou de mathématiques, et des ouvrages de philosophie. 

Au siècle de Descartes, qui ouvre Les Lumières, ni la théologie ni la philosophie ne sont considérées comme devant être écartées du domaine de la conduite rationnelle de nos pensées en général et, en particulier, du domaine des sciences.


Programme / Raison, science, religion : les modèles de rationalité ont eux-mêmes une histoire, les usages de « la » raison sont culturellement déterminés.   


Sur le titre général des Méditations métaphysiques (2) : 


    Annoncée dans le titre général, la preuve de l’existence de Dieu sera pourtant établie postérieurement (3ème Méditation) à la découverte fondamentale (2ème Méditation) et donc seulement à partir de cette dernière, qui concerne l’existence du sujet pensant. Sur le plan de l’être, l’existence de la « créature » est seconde, et secondaire, par rapport à « l’existence » de Dieu considéré comme le « créateur » de toute la « création » et donc de chaque « créature ». Mais, sur le plan de la connaissance, c’est la preuve de l’existence de Dieu qui suit la preuve de l’existence de la créature pensante et devient, en ce sens, seconde. C’est dire l’importance d’un livre de philosophie (Les Méditations) où chacun, chacune est invité.e à faire l’expérience de la découverte, au-delà de tout doute possible, d’une certitude première et primordiale (fondamentale), celle qui place selon Descartes la rencontre avec soi-même (en tant que sujet pensant) avant la rencontre avec la divinité, considérée cependant comme ontologiquement primordiale (à l’origine de tout ce qui est).


Programme / l'existence humaine, la connaissance, la raison : la raison comme faculté de déduire, de chercher le pourquoi, de connaître la raison d’être d’une affirmation à partir d’une autre, la raison comme faculté de mise en rapport (une des acceptions du mot latin « ratio »). 



Sur le titre de la première des Méditations : « Des choses que l’on peut révoquer en doute »


    À proprement parler, ce ne sont pas les « choses » qui sont « douteuses » (dubitables) ou « certaines » (indubitables) si du moins le mot « chose » est pris au sens de « réalité ». La réalité est, elle est ce qu’elle est. Ce sont nos affirmations (concernant la réalité), nos idées, nos énoncés, nos images et, de façon générale, nos représentations,  qui peuvent être mises en doute ou au contraire considérées comme certaines, comme vraies ou comme fausses. Les "choses" ne sont ni certaines ni incertaines ni vraies ni fausses. Elles sont, et sont ce qu'elles sont.


Programme / la vérité, la raison, le langage 

« Vérité » n’est pas « réalité » cf. Spinoza, Les pensées métaphysiques. Vérité, véracité, vraisemblance.


« commencer tout de nouveau dès les fondements »


    « Il faut commencer, dit-on, par le commencement ». Cette recommandation serait inutile si on ne distinguait pas deux acceptions pour le mot « commencement » : d’un côté, ce qui a lieu en premier dans l’ordre de l’écoulement du temps (chronologiquement) et ce qui est primordial selon l’ordre de la logique. Quant il s’agit de réaliser quelque projet, l’exigence de faire coïncider le « commencement » (ordre chronologique) et le « fondement » (ordre logique) peut être satisfaite (elle ne l’est pas toujours, elle l’est même rarement tant nos entreprises commencent dans le tâtonnement et se poursuivent dans la correction d’erreurs successives : même si une méthode était infaillible, celle-ci devrait elle-même être apprise, ce qui ne peut exclure la possibilité d’erreurs initiales). 

En revanche, à l’échelle de l’existence individuelle, à l’échelle d’une vie et de ses âges (l’enfance et la « sortie » de l’enfance, « l’âge de raison ») non seulement cette exigence ne peut être satisfaite, mais surtout elle ne peut être celle de l’intéressé.e elle-même, lui-même : c’est le cadre éducatif (cercle familial, institution scolaire, etc.) qui décide pour l’enfant d’une part ce qui doit être fondamentalement et initialement acquis, d’autre part les « voies » d’acquisition (« mét-hode » ne signifie rien d’autre que « chemin »). En chacun, chacune d’entre nous, l’enfance sépare le temps du commencement et le temps du fondement. Non seulement parce que « dès mes premières années, j’ai reçu quantité de fausses opinions pour véritables » mais aussi et surtout parce que même si d’autres opinions que j’ai reçues, peut-être tout aussi nombreuses, étaient elles-mêmes « vraies », du moins je n’aurai pas cherché, enfant, à m’assurer de leur fondement (chercher à savoir pourquoi elles étaient vraies : ce qu’on appelle abusivement « l’argument d’autorité » prive le sujet d’être « l’auteur » de sa réflexion). 


Programme / Le temps, la raison, l’existence humaine : qu’appelle-t-on l’âge de raison? 


« établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences » 

les 4 acceptions de « recevoir en sa créance ». 

  • l’illusion
  • la supposition
  • la conviction (au sens où on dit « avoir des convictions » = la valorisation = « croire en » )
  • la représentation (l’acte de penser, quelle que soit la modalité et quel que soit le degré d’adhésion)

    S'il entreprend une démarche en vue de se défaire d’opinions qui ont de longue date su gagner son adhésion, Descartes est par ailleurs convaincu de la valeur de la connaissance et des sciences comme moyen d’y parvenir. Si Descartes entreprend de mettre en doute la solidité de l’ensemble de l’édifice formé par ses opinions c’est parce qu’il croit en la valeur de la certitude : l'entreprise du doute (comme moyen) est tout entière mise au service de la certitude (comme fin).


Programme / la raison, la religion, les valeurs morales ou politiques - le bon, le beau, le bien, le vrai, le juste, le sacré / Est-ce une faiblesse de croire? 



« ce qui m’a fait différer si long-temps, que désormais je croirois commettre une faute si j’employois encore à délibérer le temps qui me reste pour agir ».


    La connaissance concerne l’opposition entre le vrai et le faux. Mais mon rapport à la connaissance a un sens moral et concerne l’opposition entre le bien et le mal. Il n’est plus question seulement d’être dans le faux, mais de commettre une « faute ». Problème : comment savoir que je suis parvenu à l’âge de raison? Cf. Kant, Réponse à la question : qu’est-ce que Les Lumières? (puberté, majorité civile, « maturité ») 


Programme / la connaissance, la morale, la politique, la conscience : la connaissance est-elle la condition de l’émancipation? 



« parceque la ruine des fondements entraîne nécessairement avec soi tout le reste de l’édifice » 


    La métaphore architecturale qui compare l’ensemble de mes connaissances à un «édifice» suggère non seulement que tout véritable savoir appelle une entreprise de fondation et de hiérarchisation des connaissances (les unes reposant sur les autres tout comme les niveaux ou étages d’une construction) mais aussi que «mon savoir» est mon habitation, mon adresse (« là où j’habite »), c’est-à-dire le lieu où « je suis moi-même » en me sentant « chez moi ». De ce point de vue, ne pas être «l’auteur.e» de son savoir ce serait être privé d’un chez soi, ce serait habiter chez d’autres que soi (tout en entretenant l'illusion d'être chez soi).


Programme / La raison, la conscience, le bonheur : qu'appelle-t-on "réussir sa vie"? A quelle condition mon savoir aura-t-il pour moi une saveur?




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