"En Grèce ancienne, le terme de
pharmakon désigne à la fois le remède, le poison,
et le bouc-émissaire.
Tout objet technique est pharmacologique :
il est à la fois poison et remède. Le pharmakon est à la
fois ce qui permet de prendre soin et ce dont il faut prendre soin,
au sens où il faut y faire attention : c’est une puissance
curative dans la mesure et la démesure où c’est une puissance
destructrice. Cet à la fois est ce qui caractérise la
pharmacologie qui tente d’appréhender par le même geste
le danger et ce qui sauve. Toute technique est originairement
et irréductiblement ambivalente : l’écriture alphabétique, par
exemple, a pu et peut encore être aussi bien un instrument
d’émancipation que d’aliénation. Si, pour prendre un autre
exemple, le web peut être dit pharmacologique, c’est parce qu’il
est à la fois un dispositif technologique associé permettant la
participation et un système industriel dépossédant les
internautes de leurs données pour les soumettre à un marketing
omniprésent et individuellement tracé et ciblé par les
technologies du user profiling."