« Le pardon est exactement le contraire de la vengeance,
qui agit en réagissant contre un manquement originel et, par là,
loin de mettre fin aux conséquences de la première faute, attache
les hommes au processus et laisse la réaction en chaîne dont toute
action est grosse suivre librement son cours. Par opposition à la
vengeance, qui est la réaction naturelle, automatique à la
transgression, réaction à laquelle on peut s’attendre et que l’on
peut même calculer en raison de l’irréversibilité du processus
de l’action, on ne peut jamais prévoir l’acte de pardonner.
C’est la seule réaction qui agisse de manière inattendue et
conserve ainsi, tout en étant une réaction, quelque chose du
caractère original de l’action. En d’autres termes, le pardon
est la seule réaction qui ne se borne pas à ré-agir mais qui
agisse de façon nouvelle et inattendue, non conditionnée par l’acte
qui l’a provoqué et qui par conséquent libère des conséquences
de l’acte à la fois celui qui pardonne et celui qui est pardonné ».
Hannah
Arendt,
La
condition de l'homme moderne
(tr. Georges Fradier, p307), 1961