C.-O. Verseau professeur de philosophie

TL1 / Sartre / Prise de note / jeudi 5.12



Sartre, EN, p. 3 l.21 « cohérence d'un existentialisme athée »

remarque préalable : une déclaration d'  « athéisme » ne suffit pas à s'affranchir du cadre propre à cette pensée « théiste ». Dans le § précédent Sartre a en effet montré que l'affirmation selon laquelle l'homme aurait une nature, c-à-d une pré-définition, suppose en réalité qu'un être, distinct de tous les êtres existants définis par cette définition, donc un être « transcendant »  (le contraire : « im-manent »), ait pensé au préalable cette définition.
Donc d'après ce raisonnement, même le siècle des Lumières, même des auteurs comme Voltaire, ont pour socle de leur « doctrine » des présupposés religieux.
> ex d'un anglicisme masqué … « espace-fumeur » + exemple d'une pensée discriminatoire qui n'a pas conscience d'elle et qui continue d'avancer sur les bases, et donc d'abord la langue (le vocabulaire) d'une pensée d'exclusion, d'une pensée « raciste ». > ces remarques rappellent que l'effort pour changer d'attitude passe prioritairement par un effort concernant les mots employés à travers lesquels nous visons le monde, la réalité (cf. G. Mounin, Clefs pour la linguistique : la langue est « un prisme »).

la question de « la cohérence » (entre penser que l'homme n'a pas de définition déjà donnée, déjà imposée et penser qu'il y aurait cependant un être à l'origine de tous les êtres créés selon une certaine définition) est plus délicate que semble le dire Sartre.

Cette question peut se reformuler plus prosaïquement ainsi : est-il plus facile de créer un être indéfini (qui doit se définir) que de créer un être prédéfini, déjà équipé pour être, dont le comportement est prédéterminé par sa « nature » ?

Pour faire des êtres tels que « les animaux » (qui ont une « nature », qui sont donc « ce qu'ils sont » et qui sont déterminés dans leur comportement par cette nature, par ce qu'ils sont), fallait-il un être transcendant PENSANT, qui réfléchisse, qui veuille (qui ait un ESPRIT et une LIBERTé) ou une simple « nature » ne suffisait-elle pas ? « Nature », « la nature », c'est-à-dire une force qui produit ses effets (= la nature engendre des « êtres naturels », qui à leur tour engendrent d'autres êtres pareils à eux-mêmes ou selon une évolution qui n'est pas réfléchie, intentionnelle) de façon aveugle et non-intentionnelle : sans esprit (faculté de se représenter l'idée de la chose avant l'existence de cette chose) et sans liberté, sans désir (faculté de vouloir et de valoriser ce qu'on s'est préalablement représenté).

Ne fallait-il pas une divinité, un artisan qui pense et veut réaliser ce qu'il pense, pour créer l'humain, cette « œuvre indistinctement imagée » selon La Mirandole, auteur de De la dignité de l'homme et un des fondateurs de l'humanisme à la Renaissance?

...alors que, pour engendrer des « images », de simples « images », « distinctes », la biologie moderne ne nous apprend-elle pas qu'une nature, une force naturelle (= non-réfléchie, non-intentionnelle) suffit ?
NB : l'intérêt d'une telle réflexion est aussi d'éclairer la question de l'art, de la beauté : qu'est-ce qu'une belle forme ? Quelque chose de « spécialisé », de « spécifique » ou au contraire une forme simple, plastique, qui n'est rien de défini mais se prête (par l'interprétation) à toutes les interprétations > une « vraie » œuvre (d'art) n'a pas de « message ».

Conclusion : il a plus d'art dans l'élaboration d'une forme simple, plastique, qui doit se former elle-même, se donner une forme, se « formuler » (dans la transformation d'elle-même mais déjà dans sa « formulation » au sens de formulation verbale, à travers des mots, des noms, des appellations). Question : la divinité créatrice de l'humain lui a-t-elle donné un nom ou lui a-t-elle aussi laissé la liberté de s'appeler, de se nommer, de se donner un nom ?

3. La subjectivité, le choix d'une image de l'homme [p3 l.21 > p.4 l.30]