Tous
les étants ont-ils une « histoire » ? Peut-on
parler en toute rigueur de l'histoire de la Terre ou de l'histoire de
l'univers ?
Suffit-il
d'être dans le temps pour avoir une histoire ? Quel doit être
le rapport au temps pour que soit possible une histoire ?
Certes,
les choses, les étants, même les objets fabriqués par l'homme
(artefacts), semblent affectés par certains changements et donc, en
ce sens, semblent avoir une histoire. Cependant, pour qu'il y ait
« changement », pour qu'apparaisse le fait qu'une place a
été échangée contre une autre, qu'un état a cédé la place à
un autre, encore faut-il pouvoir confronter, comparer l'état présent
à l'état passé, dépassé, qui n'est plus, afin que la différence
apparaisse.
Changement,
un échange > différence …
Or
l'étant est emprisonné dans ce qu'il est, il n'a de rapport ni à
lui-même, ni à autre chose que lui-même, ni à l'ici ni à
l'ailleurs, ni au maintenant ni à l'autrefois, encore moins à
l'avenir.
Toutefois,
il semble que pour un étant doté de la vie, bref pour les êtres
vivants, le temps, le changement et donc l'histoire soient inscrits
dans leur être même. Ex : les phases dans la métamorphose
d'un animal (la chenille, la chrysalide, le papillon).
Et
pourtant :
- l'être tel qu'il est devenu ne se représente pas tel qu'il était (cette objection vaut déjà pour tous les étants qui ne sont pas vivants)
- l'avenir de la chenille n'introduit du nouveau que sur le plan de la connaissance, de la prise de conscience, non pas sur le plan de l'être, du réel, de la matière, du vivant, bref sur le plan ontologique (distinct du plan épistémologique). Cf. l'expression hâtive (qui confond les deux plans, onto- et épisté-mologique), naïve : « ce soir, il n'y a pas d'étoiles » ou … « aujourd'hui, il n'y a pas de soleil ».
A
travers ces remarques, ce sont deux rapports au temps, deux
conceptions qui sont en jeu – distinction théorisée par Henri
Bergson dans L'évolution créatrice (1907) :
- le temps dans lequel se déroule, développe le devenir des choses (sans pour autant que le temps affecte d'une quelconque façon ce devenir) ex : la bande du cinématographe, les motifs sur le tapis ou sur l'éventail, les images sur le phénakistiscope.
- le temps qui fait les choses, qui « fait que les choses se font » (La pensée et le mouvant), qui les affecte (les fait et les change) et fait qu'elles se font au sens où ce qu'elles deviendront n'est pas prévisible. Contre-exemple : la fleur maintenant enroulée sur elle-même et contenue, retenue dans le bourgeon, est toutefois tout entière dans le bourgeon telle qu'elle sera : le temps ne la créera pas, il ne fera que la développer, la dérouler, l'épanouir.
deux
sens du mot « vie », qui correspondent à deux mots
différents en grec : « bios » / « zoé »
>>
1 « biographie », « biologie » : ces
deux constructions en français vous semblent-elles également
cohérentes par rapport à l'étymologie de « bios » que
rappelle Arendt dans son texte ?
2
Un cycle naturel peut-il se raconter, peut-il faire l'objet d'un
récit, d'une histoire ?