Parole et assemblée
(brève anthologie)
- Leroi-Gourhan, Le geste et la parole
« C'est en effet l'ethnocentrisme qui définit le mieux la
vision préscientifique de l'homme. Dans de très nombreux groupes
humains, le seul mot par lequel les membres désigne leur groupe
ethnique est le mot 'hommes'. »
- Lévi-Strauss, Race et histoire
« L’humanité
cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois
même du village; à tel point qu’un grand nombre de populations
dites primitives se désignent d’un nom qui signifie les 'hommes'».
- Pline l'ancien, Histoire naturelle
« Les
autres animaux vivent honnêtement avec leurs semblables; nous les
voyons se réunir et combattre contre des espèces différentes; les
féroces lions ne se font pas la guerre entre eux; la dent des
serpents ne menace pas les serpents; les monstres même de la mer et
les poissons ne sont cruels que pour des espèces différentes. Mais
certes c'est de l'homme que l'homme reçoit le plus de maux. »
sur
l'adage « homo
homini lupus »
- Aristote, Le politique
« Le
langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et
par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une
chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux :
le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste,
de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or avoir de telles
notions en commun c’est ce qui fait une famille et une cité. »
- Arendt, La condition de l'homme moderne
« Si
les hommes n’étaient pas distincts, chaque être humain se
distinguant de tout autre être présent, passé ou futur, ils
n’auraient besoin ni de la parole ni de l’action pour se faire
comprendre. Il suffirait de signes et de bruits pour communiquer des
désirs et des besoins immédiats et identiques. (...)
« seul
l’homme peut exprimer cette distinction et se distinguer lui-même ;
lui seul peut se
communiquer
au lieu de communiquer quelque chose, la soif, la faim, l’affection,
l’hostilité ou la peur.
(...)
«
La parole et l’action révèlent cette unique individualité. C’est
par elles que les hommes se distinguent au lieu d’être simplement
distincts ; ce sont les modes sous lesquels les êtres humains
apparaissent les uns aux autres, non certes comme des objets
physiques, mais en tant qu’hommes. »
- Rousseau, Essai sur l'origine des langues
« Ce
n’est ni la faim, ni la soif, mais l’amour, la haine, la pitié,
la colère, qui leur ont arraché les premières voix. »
« Non
pas que j’aie deviné ce que vous désirez, ni que je sois pressé
de le connaître ; car le désir d’un acheteur est la plus
mélancolique chose qui soit qu’on contemple comme un petit secret
qui ne demande qu’à être percé et qu’on prend son temps avant
de percer ; comme un cadeau que l’on reçoit emballé et dont
on prend sont temps à tirer la ficelle. »
(…) « Je ne suis pas là pour donner du plaisir, mais pour
combler l’abîme du désir, rappeler le désir, obliger le désir à
avoir un nom, le traîner jusqu’à terre, lui donner une forme et
un poids, avec la cruauté obligatoire qu’il y a à donner une
forme et un poids au désir. Et parce que je vois le vôtre
apparaître comme la salive au coin de vos lèvres que vos lèvres
ravalent, j’attendrai qu’il coule le long de votre menton ou que
vous le crachiez avant de vous tendre un mouchoir »
- Benvéniste, Problèmes de linguistique générale
« Le
message des abeilles n’appelle aucune réponse de l’entourage,
sinon une certaine conduite, qui n’est pas une réponse. Cela
signifie que les abeilles ne connaissent pas le dialogue, qui est la
condition du langage humain. Nous parlons à d’autres qui parlent,
telle est la réalité humaine".