C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Politique et langage, deux aspects indissociables de la condition humaine

Parole et assemblée 
(brève anthologie) 

« C'est en effet l'ethnocentrisme qui définit le mieux la vision préscientifique de l'homme. Dans de très nombreux groupes humains, le seul mot par lequel les membres désigne leur groupe ethnique est le mot 'hommes'. »
« L’humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village; à tel point qu’un grand nombre de populations dites primitives se désignent d’un nom qui signifie les 'hommes'».
« Les autres animaux vivent honnêtement avec leurs semblables; nous les voyons se réunir et combattre contre des espèces différentes; les féroces lions ne se font pas la guerre entre eux; la dent des serpents ne menace pas les serpents; les monstres même de la mer et les poissons ne sont cruels que pour des espèces différentes. Mais certes c'est de l'homme que l'homme reçoit le plus de maux. »
« Le langage existe en vue de manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre. Or avoir de telles notions en commun c’est ce qui fait une famille et une cité. »
  • Arendt,  La condition de l'homme moderne
« Si les hommes n’étaient pas distincts, chaque être humain se distinguant de tout autre être présent, passé ou futur, ils n’auraient besoin ni de la parole ni de l’action pour se faire comprendre. Il suffirait de signes et de bruits pour communiquer des désirs et des besoins immédiats et identiques. (...)
« seul l’homme peut exprimer cette distinction et se distinguer lui-même ; lui seul peut se communiquer au lieu de communiquer quelque chose, la soif, la faim, l’affection, l’hostilité ou la peur. (...)
« La parole et l’action révèlent cette unique individualité. C’est par elles que les hommes se distinguent au lieu d’être simplement distincts ; ce sont les modes sous lesquels les êtres humains apparaissent les uns aux autres, non certes comme des objets physiques, mais en tant qu’hommes. »
  • Rousseau, Essai sur l'origine des langues
« Ce n’est ni la faim, ni la soif, mais l’amour, la haine, la pitié, la colère, qui leur ont arraché les premières voix. »
  • Koltès 1 et 2 Dans la solitude des champs de coton
« Non pas que j’aie deviné ce que vous désirez, ni que je sois pressé de le connaître ; car le désir d’un acheteur est la plus mélancolique chose qui soit qu’on contemple comme un petit secret qui ne demande qu’à être percé et qu’on prend son temps avant de percer ; comme un cadeau que l’on reçoit emballé et dont on prend sont temps à tirer la ficelle. » 
(…) « Je ne suis pas là pour donner du plaisir, mais pour combler l’abîme du désir, rappeler le désir, obliger le désir à avoir un nom, le traîner jusqu’à terre, lui donner une forme et un poids, avec la cruauté obligatoire qu’il y a à donner une forme et un poids au désir. Et parce que je vois le vôtre apparaître comme la salive au coin de vos lèvres que vos lèvres ravalent, j’attendrai qu’il coule le long de votre menton ou que vous le crachiez avant de vous tendre un mouchoir »
« Le message des abeilles n’appelle aucune réponse de l’entourage, sinon une certaine conduite, qui n’est pas une réponse. Cela signifie que les abeilles ne connaissent pas le dialogue, qui est la condition du langage humain. Nous parlons à d’autres qui parlent, telle est la réalité humaine".