C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Leroi-Gourhan / Un seul et même mot pour dire l'ethnie et l'humanité


Wou T'cheng Ngeng, Le voyage vers l'ouest (16ème siècle)
   « C'est en effet l'ethnocentrisme qui définit le mieux la vision préscientifique de l'homme. Dans de très nombreux groupes humains, le seul mot par lequel les membres désigne leur groupe ethnique est le mot 'hommes'.
   (…) Le roman populaire chinois, « Si yéou ki » ou « Voyage vers l'ouest », rédigé au XVIème siècle par Wou T'cheng Ngeng, illustre bien cette vision où se superposent l'ethnocentrisme et le dédoublement de l'homme par son jumeau monstrueux. Le bonze voyageur San Ts'ang, accompagné de ses disciples, le roi-singe, le sanglier à corps d'homme et le poisson à forme humaine, traverse le monde pour se rendre au mont sur lequel réside le Bouddha. Pendant de longs épisodes stéréotypés, les héros parcourent des pays dont les habitants sont à très peu de chose près calqués sur les Chinois, mais dont les forêts et les monts sont hantés par des monstres qui sont pratiquement tous des animaux humanisés. Le report ethnocentriste du monde chinois sur les collectivités humaines traversées se combine avec le dédoublement monstrueux des habitants des contrées sauvages pour s'opposer aux voyageurs, eux-mêmes dédoublés en un bonze chinois et trois animaux particulièrement riches en symboles obscurs : le singe, le porc et le poisson. »
André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole (1964)