"L'indifférence
me semble signifier proprement l'état dans lequel se trouve la
volonté lorsqu'elle n'est pas poussée d'un côté plutôt que de
l'autre par la perception du vrai ou du bien ; et c'est en ce sens
que je l'ai prise lorsque j'ai écrit que le plus bas degré de la
liberté est celui où nous nous déterminons aux choses pour
lesquelles nous sommes indifférents. Mais peut-être d'autres
entendent-ils par indifférence la faculté positive de se déterminer
pour l'un ou l'autre de deux contraires, c'est-à-dire de
poursuivre ou de fuir, d'affirmer ou de nier. Cette faculté
positive, je n'ai pas nié qu'elle fût dans la volonté. Bien
plus, j'estime qu'elle s'y trouve, non seulement dans ces actes où
elle n'est poussée par aucune raison évidente d'un côté plutôt
que de l'autre, mais aussi dans tous les autres ; à tel point
que, lorsqu'une raison très évidente nous porte d'un côté,
bien que, moralement parlant, nous ne puissions guère choisir le
parti contraire, absolument parlant, néanmoins, nous le pouvons.
Car il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un
bien clairement connu ou d'admettre une vérité évidente, pourvu
que nous pensions que c'est un bien d'affirmer par là notre libre
arbitre"
Descartes, Lettre au Père Mesland du 9 février 1945