Un article de Juliette Frugier, TL, Lycée Pasteur, Lille
> Relever
les étapes de l’élucidation de ce lapsus de la mémoire et les
expliquer
Nous
pouvons relever neuf étapes à l’élucidation de ce lapsus de la
mémoire. En effet, les voici listées :
- la décomposition du mot « aliquis » en « a » et « liquis »
- les idées qui viennent de celle-ci : « Reliques. Liquidation. Liquide. Fluide. »
- Simon de Trente et ses reliques
- « accusations de meurtres rituels qui (…) s’élèvent de nouveau contre les juifs »
- ouvrage de Kleinpaul « qui voit dans ces prétendues victimes des incarnations (…) du Sauveur »
- un article de journal ayant pour titre « L’opinion de Saint Augustin sur les femmes »
- « un superbe vieillard » qui s’appelle « Benoît »
- « saint Janvier » et le « miracle de son sang », qui se « liquéfie de nouveau tous les ans »
- « j’ai pensé tout à coup à une dame dont je pourrais facilement recevoir une nouvelle aussi désagréable pour elle que pour moi »
Après
que l’étudiant a prononcé cette pensée, Freud en déduit la
raison pour laquelle il a eu ce lapsus de la mémoire, cet oubli. Il
s’agit pour lui d’une représentation imagée à chaque fois du
possible arrêt des règles de la femme en question.
Vouloir
découper ce mot « aliquis » met directement en avant un
liquide, qui ressurgit à travers les mots découlant de cette
décomposition et qui peut cacher l’allusion au sang menstruel. Les
saints ont un rapport avec une date précise, ont un rapport avec le
calendrier, or, les règles d’une femme sont menstruelles. Ainsi,
quand celles-ci ne viennent pas le jour attendu, une angoisse ou une
inquiétude se manifeste quant à la raison pour laquelle ce « sang »
ne veut pas couler. Les accusations de meurtres rituels évoquent
également quelque chose de régulier à nouveau, qui se répète
comme le cycle menstruel de la femme. Le nom, « Kleinpaul »,
renvoie, selon Freud, au nom de Paul, et c’est par là que nous
pouvons le relier aux autres noms, tous des noms de saints. L’article
de journal mentionné est « italien » tout comme la femme
et le titre n’en est que plus révélateur, « L’opinion de
saint Augustin sur les femmes ». Nous avons de nouveau
l’évocation d’un saint et de la femme au cœur de l’inquiétude
du jeune étudiant. Ce dernier parle ensuite d’un vieillard qui
s’appelle Benoît, de nouveau un nom de saint. Puis, il pense à
saint Janvier qui fait encore référence aux saints et calendrier,
et également au sang menstruel, par le miracle du sang qui se
liquéfie une fois par an. Cela serait donc une sorte de
représentation mentale du sang des règles qui coule chaque mois.
Enfin, il en vient à parler de cette femme dont il nous dit que
quelque chose pourrait facilement lui être révélé, et ce quelque
chose ne semble pas tout à fait être réjouissant, mais plutôt
angoissant. Il s’agit donc de l’inquiétude quant à l’arrêt
possible des règles de la femme et donc de savoir si elle est
enceinte ou non, sans doute.
> En
quoi cette phrase exprime-t-elle à la fois un vrai désir chez
l’étudiant et traduit-elle cependant sa plus grande peur ?
« Qu’un
vengeur naisse un jour de mes entrailles » Le mot qu’a oublié
l’étudiant fait donc sens : il renvoie en effet à ce qui
pourrait naître de cet arrêt des règles de cette femme. La phrase
en elle-même relie sa peur devant l’arrivée d’un « quelqu’un »
(« aliquis » en latin), d’un être, et son désir
de cela. Ce qui est curieux dans cette phrase, c’est qu’on a
l’impression qu’elle traduit deux désirs, l’un est celui qui
est directement en rapport avec la conversation qu’il avait avec
Freud avant cet oubli et l’autre est une certaine angoisse de
l’arrivée d’un être, d’une nouvelle d’une femme dont les
règles se seraient arrêtées, ce qui laisserait présager un enfant
à venir. En parlant avec Freud, avant ce lapsus de la mémoire, leur
conversation tournée autour de la situation sociale de chacun d’eux
et surtout de l’état d’infériorité dans lequel se sentait
l’étudiant pour sa génération.
Ainsi,
cette phrase fait sens par rapport au désir d’affirmer une
opposition à cette situation des étudiants et donc de lutter contre
cela. Mais cet état d’âme est bouleversé par un autre qui vient
court-circuiter la prononciation de ce vers de Virgile. Deux désirs
se trouvent donc mêlés et un des deux vient interrompre le premier.
Par
rapport au deuxième désir qui serait, selon Freud, un être qui
naîtrait de lui et de cette femme italienne qui se trouve évoquée
à travers toute une série d’idées, la phrase de Virgile fait
également sens, car cela peut être l’affirmation de ce qu’il
attend de celle-ci. Effectivement, « aliquis » signifie
« quelqu’un », « on » ; or, en prenant
ce sens, la phrase dirait mot pour mot ce que l’étudiant pourrait
apprendre par cette femme, à savoir qu’elle n’a pas ses règles
et donc qu’un « aliquis » a été conçu et qu'il
pourrait naître de ses propres entrailles. Cette phrase exprime donc
à la fois son angoisse par l’oubli du mot et son désir par le
même fait. C’est un désir qui est pour lui en même temps source
d’incertitude, de peur.