Echanges et culture :
si par nature, de façon innée, l'humain est un être qui manque de
tout pour pouvoir être (thème du dénuement développé par Platon, Aristote, Pline dans l'Antiquité et, à l'époque moderne, par Hume et même Bergson), cela implique que chaque homme
reçoive des autres tout ce dont il a besoin. Les hommes sont liés
entre eux, dépendants les uns des autres, parce que chacun est un
héritier, un dépositaire comme le montre le film de Raimund Krumme intitulé Funambule. Or le lien filial, dont il est question dans Funambule, n'est qu'une métaphore pour réfléchir en général sur tous les fils qui relient les humains entre eux, non seulement au sein de la famille mais au sein de toutes les autres institutions, notamment l'école, l'institution scolaire qui voudrait "élever" chacun d'entre nous. L'humain est un être qui reçoit tout ce qui aura été "établi", "institué", tout ce qui n'était pas "à l'intérieur de lui" naturellement, de façon in-née. L'héritage culturel n'est donc pas l'hérédité biologique.
Donc chacun devra prendre
dans ses mains tel ou tel outil qu'il ne trouve pas déjà inclus
dans son corps, mais aussi apprendre à s'en servir.
Surtout, chacun devra
comprendre pourquoi il doit prendre ces outils et en apprendre
le mode d'utilisation : chacun devra comprendre le modèle
d'humanité proposé par sa culture, c'est-à-dire l'idée de l'homme ou, mieux, l'idéal d'humanité qui façonne nos besoins et nos désirs. En
effet, une culture ne repose pas seulement sur la transmission des
moyens de vivre mais aussi et d'abord sur la transmission des besoins à satisfaire par
de tels moyens : par nature, l'humain n'est en effet déterminé
ni dans ses moyens (« équipement » cf. Platon, Pline,
Hume) ni dans ses besoins. L'ensemble des besoins, désirs,
aspirations qu'on trouve au sein d'une communauté d'humains à telle
époque et dans telle région du monde, voilà ce qu'on appelle un
modèle culturel, c'est-à-dire une façon de définir
l'humain ou, en un seul mot, le « façonnage »
culturel de l'humain.