C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

TL1 / cours du 24 mars / Le travail

Arendt, CHM / Le travail

1- « Une société de travailleurs sans travail » Texte n° 26 > CHM p37-38
    S'il n'y a pas de « travail » comment donc pourrait-il y avoir des « travailleurs » ? Nos sociétés modernes font de nous tous des « travailleurs » au sens où la plus grande partie d'entre nous, que nous ayons ou non un travail qui nous permette de « vivre » (nous alimenter, nous chauffer, etc.), nous « glorifions » le travail : non seulement nous en faisons une valeur, mais en plus c'est à cette valeur que nous mesurons la valeur de toutes nos activités en demandant par exemple si « en faisant ce que nous faisons, nous travaillons, nous sommes actifs … ou si nous ne faisons rien ». Soit on travaille, soit on ne fait rien. Autrement dit, soit on travaille, soit on n'est pas « actif » : on est des « fainéants » (faire le rien, le néant) et finalement des « vauriens ».
    Cette "glorification" du travail se traduit d'ailleurs dans la langue où tous les autres verbes se sont effacés devant le verbe "travailler", lequel a tiré vers lui, en devenant leur synonyme, toutes les qualités qui leur étaient cependant spécifiquement associées :
Exercer, s'entraîner, fabriquer, per-fect-ionner (Rousseau, « perfectibilité »), s'améliorer, apprendre,

être actif (contraire de « passif »?)
in-culquer > calx : talon > faire entrer à coup de talons
accomplir un effort
se donner de la peine
dépenser, se dépenser (le coût subjectif du « travail »  dans l'expression « travail de deuil »)
se concentrer
être productif
aboutir à un résultat
fabriquer
être employé
étudier
se former (à un métier)
   Telles sont désormais les acceptions du verbe "travailler", devenu un mot englobant, total, à la portée englobante et totalitaire. Rq : Arendt est à la fois l'auteure des Origines du totalitarisme et de The human condition.