Ch
4 l'oeuvre
« Ouvrer »,
« oeuvrer » (opus > opération, opérer) constitue une
activité qui fait être, elle aussi, un être. « Elle aussi »
= comme « l'activité de travailler ». Toutefois, si
Arendt propose (contre la tradition voir p. 123) de distinguer
l'oeuvre du travail c'est parce que les êtres qu'il s'agit de « fabriquer » (dans le cas de l'ouvrage, de l'oeuvre) ou de
« produire » (dans le cas du "travail") sont essentiellement différents.
D'ailleurs, seuls
les mots « oeuvre », « ouvrage », sont de véritables substantifs au sens où ils désignent vraiment des
êtres « stables » (dans le temps et dans l'espace),
substantiels, persistants et résistants. Leur fabrication demande du
temps, mais elle est elle-même délimitée : elle a un commencement et elle prend fin une fois que l'objet a trouvé ses
contours (limites, fins) propres. Or, une fois que l'objet a trouvé ses contours, une fois qu'il a pris forme,
son être d'objet fera qu'il pourra les conserver longtemps, voire
infiniment à l'échelle de l'histoire des hommes. C'est une cause extérieure à l'objet, à son
essence, qui viendra l'altérer : une cause "incidente", accidentelle, non pas "inhérente".
Ch
5 l'action
A
sa façon, l'action est une « activité » qui permet de
faire exister un certain type d'êtres. Globalement, "l'être" que toute
« action » permet de faire exister est la « communauté »,
le « monde commun » aux hommes qui y coexistent (quel que
soit le nom porté par cette communauté : un Etat, une cité -
romaine -, une polis grecque, un peuple, une nation, un
royaume, une rég-ion, etc. ). Mais, plus particulièrement, les
êtres que l'action d'un citoyen permet de faire exister, sont toutes
les in-stitutions (les valeurs et principes inscrits dans les lois,
les con-stitutions) qui fondent cette communauté.
Or,
la façon dont ces êtres, ces « entités politiques »
(une « entité » = une chose qui est, un étant), existent
n'a rien de commun avec la façon dont les êtres vivants et les
artefacts peuvent être chacun de leur côté, respectivement.
Ces
entités politiques n'ex-sist-ent, elles ne « tiennent »
(stare), que parce que, nous, nous y tenons, parce que nous
voulons (par une volonté politique, qui engage chacun et avec lui,
tous ses concitoyens) qu'elles re-stent, qu'elles continuent d'être
établies, in-staurées, ...in-stituées : ces entités doivent
être transmises d'une époque à une autre. Différence entre
transmission culturelle, politique, et renouvellement cyclique d'un
(grand ou petit) être vivant. Différence entre « l'histoire »
(des citoyens, des acteurs) et le cycle de régénérescence du
« vivant ».