C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

TL1 / cours / Arendt / Texte n°17 > labeur-ouvrage, labor-work, arbeit-werk

"Ainsi le grec distingue ponein et ergazesthai, le latin laborare et facere ou fabricari (même racine), l’anglais labor et work, l’allemand arbeiten et werken. Dans tous les cas, seuls les équivalents de « travail » signifient sans équivoque peine et malheur. L’allemand Arbeit ne s’appliquait d’abord qu’aux travaux des champs exécutés par les serfs et non à l’œuvre de l’artisan, appelée Werk. En français, travailler qui a remplacé labourer vient de tripalium, sorte d’instrument de torture." [Note, p.124]

> confusion, amalgame, réduction (réduire un élément à un autre), rétrécissement de notre horizon de pensée, étroitesse idéologique, champ de notre « vita activa » exigu.
Dis-cernement + cernere = « voir » cernere-certum > « certitude »

la confusion entre les mots, une « erreur », est révélatrice d'une errance, voire d'une aberration.
Les mots sont des « signes » dit la linguistique cf. Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale (+ Mounin, CL + Emile Benvéniste, Problèmes de linguistique générale ) >

« tree » « baum » « arbor » « arbol » « arbre » « chejra » > signifiant
le « signifié » est ce vers quoi fait signe le signifiant (signifier = faire signe vers, tourner l'attention vers)
le « signifié » n'est pas cependant la chose, la res, en tous cas une réalité extérieure au mot lui-même : le « signifié » est une définition, un concept, une essence, auxquels correspondent parfois, peut-être le plus souvent ou … plus ou moins souvent, des ensembles de choses.
« mesa » (esp.) ou « stol » (russe) ou « table » (fr. ou ang) est un signifiant correspondant à l'énoncé : « plateau porté par trois ou quatre pieds ». Et il se trouve que les humains donnent une existence (en dehors du signifiant et du signifié) à des objets, des réalités, qui ont une fonctionnalité déduite de la description livrée dans le signifié. Ainsi, le mot « mesa » en espagnol ne désigne pas une table, mais un ensemble de tables dont le nombre est considérable puisqu'il permet de rassembler toutes les tables existantes, ayant existé, devant exister (à venir) ! L'objet désigné par le mot, par le signe linguistique, n'est donc pas une chose, une seule chose, mais une « classe » d'éléments. L'objet désigné par le signe est le « référent ».
[signe signe-r sign-ature sign-ifier sign-ification dé-sign-er as-signer]
Un mot ni n'est une chose ni ne renvoie à une chose : d'ailleurs dans le signifié de certains mots on trouve l'affirmation que « ça n'existe pas » - sauf si par certaines manœuvres, manipulations et autres endoctrinements on parvient à faire croire à l'existence de la « chose » désignée par le mot. cf. Sartre, Réflexions sur la question juive.