C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Arendt / Agir n'est pas ré-agir : le pardon, l'inattendu

« Le pardon est exactement le contraire de la vengeance, qui agit en réagissant contre un manquement originel et, par là, loin de mettre fin aux conséquences de la première faute, attache les hommes au processus et laisse la réaction en chaîne dont toute action est grosse suivre librement son cours. Par opposition à la vengeance, qui est la réaction naturelle, automatique à la transgression, réaction à laquelle on peut s’attendre et que l’on peut même calculer en raison de l’irréversibilité du processus de l’action, on ne peut jamais prévoir l’acte de pardonner. C’est la seule réaction qui agisse de manière inattendue et conserve ainsi, tout en étant une réaction, quelque chose du caractère original de l’action. En d’autres termes, le pardon est la seule réaction qui ne se borne pas à ré-agir mais qui agisse de façon nouvelle et inattendue, non conditionnée par l’acte qui l’a provoqué et qui par conséquent libère des conséquences de l’acte à la fois celui qui pardonne et celui qui est pardonné ».

Hannah Arendt, 
La condition de l'homme moderne (tr. Georges Fradier, p307), 1961