5 réponses
attendues
A
- Parmi les extraits suivants, expliquez-en quatre de votre choix :
- « Le mot Je est le sujet, apparent ou caché, de toutes nos pensées. »
- « Il y a sur terre un être à deux, à trois, à quatre pieds, et qui n'a qu'une voix. Il change de nature, seul entre tout ce qui se meut ici-bas, ou rampe, ou traverse l'air et la mer. »
- « Ce n'est pas parce qu'il a des mains que l'homme est le plus intelligent des êtres, mais c'est parce qu'il est le plus intelligent qu'il a des mains. »
- « Voilà la mortalité : c’est se mouvoir en ligne droite dans un univers où rien ne bouge, si ce n’est en cercle. »
- [Expliquez seulement les mots en italiques] «Ainsi, pour en citer l'exemple le plus admirable, nous disons que les phénomènes généraux de l'univers sont expliqués, autant qu'ils puissent l'être, par la loi de la gravitation newtonienne, parce que, d'un côté, cette belle théorie nous montre toute l'immense variété des faits astronomiques, comme n'étant qu'un seul et même fait envisagé sous divers points de vue ; la tendance constante de toutes les molécules les unes vers les autres en raison directe de leurs masses, et en raison inverse des carrés de leurs distances ; tandis que, d'un autre côté, ce fait général nous est présenté comme une simple extension d'un phénomène qui nous est éminemment familier, et que, par cela seul, nous regardons comme parfaitement connu, la pesanteur des corps à la surface de la terre".
- « Mais la conscience au sens le plus strict n'existe que pour un être qui a pour objet son propre genre, sa propre essence. »
- « C’est encore davantage la nature de l’esprit de demeurer pleinement en possession de ce qui est sien, en en communiquant à d’autres la possession ».
- [Expliquez seulement les mots en italiques] « Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c’est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, de choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise ».
- « nous ne voyons que ce que nous connaissons ; notre oeil s'exerce sans cesse à manier des formes innombrables ; l'image, dans sa majeure partie n'est pas une impression des sens, mais un produit de l'imagination. »
- « Qui se considérera de la sorte s'effraiera de soi-même et se considérant soutenu dans la masse que la nature lui a donnée entre ces deux abîmes de l'infini et du néant, il tremblera dans la vue de ces merveilles et je crois que sa curiosité se changeant en admiration il sera plus disposé à les contempler en silence qu'à les rechercher avec présomption. »
- « Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu'il s'est mis là pour me voir ? »
- « Aussi beaucoup ont-ils pensé que le mieux était de ne pas naître, ou d'être animal au plus tôt. »
- « Si nous rêvions toutes les nuits la même chose elle nous affecterait autant que les objets que nous voyons tous les jours. »
- « Epiméthée, dont la sagesse était imparfaite, avait déjà dépensé, sans y prendre garde, toutes les facultés en faveur des animaux, et il lui restait encore à pourvoir l'espèce humaine, pour laquelle, faute d'équipement, il ne savait que faire. »
B
- Question imposée :
Montrez
que le texte de Sartre permettrait d'illustrer la question :
Comment être sûr que la vie n'est pas un songe ?
A
la lecture du texte de Sartre quel sens donner au mot « vie » ?
Vous vous servirez de la distinction proposée par Aristote, analysée
par Arendt dans l'extrait de La condition de l'homme moderne,
pour répondre à la question.
- Sartre, La Nausée
«
Voici ce que j’ai pensé : pour que l’évènement le plus banal
devienne une aventure, il faut et il suffit qu’on se mette à la
raconter. C’est ce qui dupe les gens : un homme c’est toujours un
conteur d’histoires, il vit entouré de ses histoires et des
histoires d’autrui, il voit tout ce qui lui arrive à travers
elles; et il cherche à vivre sa vie comme s’il la racontait.
Mais
il faut choisir : vivre ou raconter. Par exemple quand j’étais à
Hambourg, avec cette Erna, dont je me défiais et qui avait peur de
moi, je menais une drôle d’existence. Mais j’étais seul dedans,
je n’y pensais pas. Et puis un soir, dans un petit café de San
Pauli, elle m’a quitté pour aller aux lavabos. Je suis resté
seul, il y avait un phonographe qui jouait Blue Sky. Je me suis mis à
me raconter ce qui s’était passé depuis mon débarquement. Je me
suis dit : « Le troisième soir, comme j’entrais dans un
dancing appelé la Grotte Bleue, j’ai remarqué une grande femme à
moitié saoule. Et cette femme-là, c’est elle que j’attends en
ce moment, en écoutant Blue Sky et qui va revenir s’assoir à ma
droite et m’entourer le cou de ses bras. » Alors, j’ai senti
avec violence que j’avais une aventure. Mais Erna est revenue, elle
s’est assise à côté de moi, elle m’a entouré le cou de ses
bras et je l’ai détestée sans trop savoir pourquoi. Je comprends,
à présent c’est qu’il fallait recommencer de vivre et que
l’impression d’aventure venait de s’évanouir.
Quand
on vit, il n’arrive rien. Les décors changent, les gens entrent et
sortent, voilà tout. Il n’y a jamais de commencements. Les jours
s’ajoutent aux jours sans rime ni raison, c’est une addition
interminable et monotone. De temps en temps, on fait un total
partiel, on dit : voilà trois ans que je voyage, trois ans que je
suis à Bouville. Il n’y a pas de fin non plus : on ne quitte
jamais une femme, un ami, une ville en une fois. Et puis tout se
ressemble : Shangaï, Moscou, Alger, au bout d’une quinzaine, c’est
tout pareil.
Par
moments – rarement – on fait le point, on s’aperçoit qu’on
s’est collé avec une femme, engagé dans une salle histoire. Le
temps d’un éclair. Après ça, le défilé recommence, on se remet
à faire l’addition des heures et des jours. Lundi, mardi,
mercredi. Avril, mai, juin. 1924, 1925, 1926.
Oui
ça, c’est vivre. Mais quand on raconte la vie, tout change ;
seulement c’est un changement que personne ne remarque : la preuve
c’est qu’on parle d’histoires vraies. Comme s’il pouvait y
avoir des histoires vraies; les évènements se produisent dans un
sens et nous les racontons en sens inverse. On a l’air de débuter
par le commencement : «C’était par un beau soir de l’automne de
1922. J’étais clerc de notaire à Marommes.» Et en réalité
c’est par la fin qu’on a commencé. Elle est là, invisible et
présente, c’est elle qui donne à ces quelques mots la pompe et la
valeur d’un commencement. «Je me promenais, j’étais sorti du
village sans m’en apercevoir, je pensais à mes ennuis d’argent.»
Cette phrase, prise simplement pour ce qu’elle est, veut dire que
le type était absorbé, morose, à cent lieues d’une aventure,
précisément dans ce genre d’humeur où on laisse passer les
événements sans les voir. Mais la fin est là, qui transforme tout.
Pour nous, le type est déjà le héros de l’histoire. Sa morosité,
ses ennuis d’argent sont bien plus précieux que les nôtres, ils
sont tout dorés par la lumière des passions futures. Et le récit
se poursuit à l’envers : les instants ont cessé de s’empiler au
petit bonheur les uns sur les autres, ils sont happés par la fin de
l’histoire qui les attire et chacun d’eux attire à son tour
l’instant qui le précède : « Il faisait nuit, la rue était
déserte. » La phrase est jetée négligemment, elle a l’air
superflue; mais nous ne nous y laissons pas prendre et nous la
mettons de côté: c’est un enseignement dont nous comprendrons la
valeur par la suite. Et nous avons le sentiment que le héros a vécu
tous les détails de cette nuit comme des annonciations, comme des
promesses, ou même qu’il vivait seulement ceux qui étaient des
promesses, aveugle et sourd pour tout ce qui n’annonçait pas
l’aventure. Nous oublions que l’avenir n’était pas encore là
; le type se promenait dans une nuit sans présages, qui lui offrait
pêle-mêle ses richesses monotones et il ne choisissait pas.
J’ai
voulu que les moments de ma vie se suivent et s’ordonnent comme
ceux d’une vie qu’on se rappelle. Autant vaudrait tenter
d’attraper le temps par la queue. »
- Arendt, La condition de l'homme moderne :
« Le
mot « vie » cependant a un sens tout différent* si on
l’emploie par rapport au monde, pour désigner l’intervalle entre
la naissance et la mort. Borné par un commencement et par une fin,
c’est-à-dire par les deux événements suprêmes de l’apparition
et de la disparition dans le monde, cette vie suit un mouvement
strictement linéaire, causé néanmoins par le même moteur
biologique qui anime tous les vivants et qui conserve perpétuellement
le mouvement cyclique naturel. La principale caractéristique de
cette vie spécifiquement humaine, dont l’apparition et la
disparition constituent des événements de-ce-monde, c’est d’être
elle-même toujours emplie d’événements qui à la fin peuvent
être racontés, peuvent fonder une biographie ; c’est de
cette vie, bios par opposition à la simple zôè,
qu’Aristote disait qu’elle « est en quelque manière une
sorte de praxis ». Car l’action et la parole, qui,
nous l’avons vu, étaient étroitement liées dans la pensée
politique grecque, sont en effet les deux activités dont le résultat
final sera toujours une histoire assez cohérente pour être contée,
si accidentels, si fortuits que puissent paraître un à un les
événements et leurs causes ».
*
….différent du mot « vie » quand on parle du processus
vital du cycle de reproduction où la fin rejoint le début, où le
début est le but - un cycle où toute vie est
reproductrice parce qu'elle est, elle-même, reproductible.