Nature / Modèles
S'il
y a des êtres dont on peut dire qu'ils ont une « nature »
au sens où on dit qu'il est « dans » leur nature d'être
ce qu'il sont et de se comporter comme ils se comportent, dès lors
tous les êtres ayant la même nature seront identiques les uns aux
autres; ils auront le même comportement; ils se comporteront
toujours conformément aux caractéristiques propres à l'espèce
entière. De tels êtres ne doivent pas « réfléchir avant
d'agir », c'est-à-dire raisonner en vue de produire un
comportement digne de ce qu'ils penseraient être. Par ailleurs, ils
ne sont pas libres de s'écarter d'une règle ou d'une idée qu'ils
ne se représentent pas : ces êtres ne peuvent pas ne pas se
comporter comme ils se comportent.
Appliqués
à des êtres qui auraient une même nature, les notions de
« sujet », de « culture », de « raison »,
de « politique » et de « morale » n'ont donc
pas de sens.
Au
contraire, si des êtres n'avaient pas de « nature »
définissant leur essence et déterminant leur conduite, dès lors
plusieurs questions se posent, relatives à :
- la responsabilité de chaque sujet;
- le modèle culturel à travers lequel chacun devient soi-même;
- la représentation, grâce à la raison, des valeurs au nom desquelles agir;
- l'appartenance à une même communauté politique organisée par les mêmes lois;
- le choix moral d'une conduite qui, n'étant pas déterminée, peut ne pas être conforme à ce qu'elle devrait être.
Or,
on constate que les « êtres » humains se font une
idée de ce qu'ils voudraient
« être ». Ils s'en font une image, un idéal : ils se
donnent des « modèles ». Ce constat et toutes ses
conséquences permettent d'éclairer chacune des parties du
programme ainsi que leurs articulations.
I Être :
le sujet (1) - la culture (2)
Le
sujet :contingence et responsabilité
L'
«humain» n'est pas un «être» au
sens où les autres «êtres» sont des êtres. Car, pour
tout homme, être quelqu'un, être soi et personne d'autre, être ce
qu'on pourra être, relève d'un effort, d'une exigence, d'un choix.
Il n'est pas ici question de l'impératif biologique de « se
maintenir en vie », commun à tous les êtres vivants, mais de
tout autre chose : il s’agit de devenir « soi-même ».
Un être vivant qui se maintient en vie ne doit pas se préoccuper de
« ce que », coûte que coûte, il veut maintenir en vie :
il n'a pas à se faire une idée de l'être qu'il veut garder en vie, il n'a pas à répondre de ce qu'il fait de lui-même.
Tout véritable sujet se fait au contraire une idée de
la personne qu'il veut être, qu'il veut faire exister. Sans quoi il
aurait des moyens pour vivre sans avoir cependant, comme on dit, une
«raison de vivre». Et c’est à travers un modèle, ou
même à travers des modèles successifs, que chacun se fait une idée
de soi-même tel qu'il veut être – ou, négativement, de soi tel
qu'on ne voudrait pas être.
D'ailleurs, même
vouloir être quelqu'un qui prend les choses comme elles
viennent, quelqu'un qui se laisse porter par les événements et
par les situations, quelqu'un qui ne veut suivre aucun modèle
préalable, revient à se donner pourtant une ligne de conduite et finalement un
idéal, voire un modèle qui pourrait s'incarner dans tel ou tel
personnage, peut-être un anti-héros des temps modernes.
Un
premier paradoxe se présente car si chacun est appelé à
forger sa propre individualité ou « personnalité »,
appelé à devenir une « personne » à part entière,
c'est donc dans un rapport à quelqu'un d'autre qu'il le fera :
autrui ou, pour le moins, cet autre qu'il voudrait être, qu'il n'est
pas encore, qu'il ne sera peut-être jamais, dont il se fait cependant une
image.
La
notion de modèle repose donc sur les notions, inséparables,
d'individualité, de singularité et de communauté, c'est-à-dire
sur des mots ou expressions aussi ordinaires que « moi »,
« toi », « chaque » ou « chacun »,
« tout le monde », « les autres »,
« quelqu'un », «quelqu'un d'autre», « faire
pareil » ou «faire comme », mots et expressions qui
posent une double exigence : être soi-même et, pour pouvoir
l'être, entrer en relation avec quelqu'un d'autre.
C'est
pourquoi la question d'un modèle à suivre ne peut pas se poser
à des êtres qui seraient tous les mêmes, tous spécimens d'une
même espèce, tous déterminés par une même « nature »,
essence ou définition, correspondant à l'espèce. La question du
modèle ne se pose pas à des êtres qui n'auraient ni « conscience »
ni « esprit » ni « raison » ou qui, du moins,
n'auraient pas besoin de se faire une idée, grâce à cette
conscience, de ce qu'ils doivent être pour le devenir. La question
du modèle ne peut pas se poser à des êtres qui ne devraient pas
prendre conscience de ce qu'ils voudraient être pour avoir une
chance de le devenir, pour se réjouir un jour de l'être devenu ou,
au contraire, pour ressentir la déception de ne pas y être parvenu.
Au contraire, conscient de sa venue au monde, l'être humain
s'efforce de devenir soi-même, d'y parvenir.
L'essence
de l'homme : une « nature humaine » ou des modèles
culturels ?
C'est
parce qu'il n’y a pas de « nature humaine » qui impose
à l’homme d’être ce qu’il est, que tout homme a une culture
qui lui propose des modèles de conduite. Le rapport à cette
culture, qui me fait être la personne que je suis, est un rapport de
plus ou moins grande passivité. Tout modèle transmis doit en
effet être reçu pour pouvoir être suivi. Or recevoir
implique autant une passivité qu'une activité. Même un modèle que
je choisis, et que pour cette raison je peux revendiquer, reste un
modèle qui s'impose à moi et que je dois suivre : un modèle
est un ensemble de règles qui me prescrivent globalement un mode de
conduite, ne serait-ce qu'un simple « modus operandi »
(une « façon de faire »). Inversement, un modèle qui me
façonne à mon insu, qui m'influence, est cependant un modèle
auquel j'ai offert une prise, c'est-à-dire aux influences duquel
j'ai accepté de m'exposer (en prêtant l'oreille à tel discours, en
allumant tel écran, en consultant telles pages, etc.).
La
question du modèle est donc au cœur de la culture car le point de
départ de cette question n'est pas seulement le fait qu'un homme
doit changer pour devenir lui-même, mais surtout le fait qu'un homme
peut choisir celui qu'il veut devenir, c'est-à-dire décider
d'accorder un crédit à une image ou idée de soi-même : il
peut décider de faire d'une simple « idée » un
véritable « idéal », autrement dit une pensée qui
appelle à l'action. En ce sens, un véritable changement n'est pas
le seul fait de changer, c'est-à-dire de « devenir quelqu'un
d'autre », mais d'être parvenu à choisir son modèle
soi-même, indépendamment de la question de savoir si on réussit ou
non à réaliser ce modèle, à l'incarner. Pour un homme, changer
vraiment n'est pas se transformer, ni même peut-être changer de
modèle, mais plutôt changer son rapport au modèle, et d'abord
parvenir à choisir lui-même son modèle. Sinon, pourquoi les
influences d'une culture seraient-elles préférables aux effets
d'une nature déterminant les comportements ?
Car,
à supposer qu'on puisse parler de changement ou de transformation
chez l'animal, on peut toutefois douter que l'animal ait à choisir
et, d'abord, à penser l' « imago » qui, comme chez la
mouche ou le papillon, sous-tend le processus de sa transformation.
II Connaître : la raison et le réel (3)
Penser,
se penser : se définir, se situer comme partie appartenant à
un ensemble
La
faculté appelée « raison » est elle-même au cœur des
questions soulevées par la notion de modèle. D'abord parce que,
quand elle raisonne, « la raison » est une actualisation
de notre « esprit ». Une idée, un idéal, une
représentation en général, même une simple image, ne peut
provenir que d'un « esprit ». A l'inverse, ce qui n'est
que matière ne peut échapper à son propre être en pensant son
être, en se le « représentant » ou, plus grande
impossibilité encore, en pensant un autre être.
Tout
ce qui n'est que « matière » ne peut se penser, se
situer, se comparer : une chose ne peut pas entrer en rapport
avec elle-même pour se voir telle qu'elle est et encore moins pour
s'imaginer telle qu'elle pourrait être, telle qu'elle devrait être.
Une chose est enfermée dans ce qu'elle est, elle est sans recul par
rapport à elle-même : sans recul au point de ne pas même
pouvoir poser un regard sur elle-même pour se juger telle qu'elle
est en se comparant à l'image d'elle-même telle qu'elle
devrait être. Au contraire, un être doté d'esprit peut se
penser soi-même et penser d'autres êtres au point, même, de
pouvoir prendre ces êtres comme modèles de ce qu'il voudrait être.
En
particulier, l'homme est un être vivant qui pense le vivant en
général, qui construit la science du vivant, la « biologie »,
et qui cherche dans certaines aptitudes biologiques les modèles de
ses futures performances technologiques.
Et
plus généralement : l'homme est une partie du « réel »
(une partie de « la nature », de « l'univers »)
capable d'étudier les lois qui régissent celui-ci au point de
prendre modèle sur l'universalité de ces lois (ex : tous les
corps physiques sont soumis à la gravitation universelle). Ce modèle
lui permet de constituer un monde humain, une communauté politique
ou morale, dont les lois devront avoir le même caractère
d'universalité que les lois physiques (ex : pour être citoyen
de cet Etat, tout homme doit obéir aux lois qui régissent cet
Etat).
La
raison : l'universel et le particulier
La
raison est en effet définie comme la faculté qui permet de
concevoir des ensembles, des abstractions, des définitions,
c'est-à-dire des totalités distinctes qui, chacune, rassemblent des
individualités. Ainsi, par exemple, le mot « humanité »
ne désigne aucun homme en particulier mais rassemble tous les hommes
ayant existé, existant aujourd'hui, devant exister un jour.
Raisonner
c'est raisonner sur des définitions qui s'élèvent au-delà des
individus perceptibles ici et maintenant. Par exemple, raisonner à
propos de l'homme c'est raisonner sur l'humain, c'est-à-dire sur la
condition propre à tous les êtres humains, où qu'ils soient et
quelle que soit l'époque où ils aient vécu. C'est, par exemple,
réfléchir au fait que toutes les communautés humaines ont eu,
toujours et partout, besoin de modèles culturels qui leur
permettaient de définir une civilisation, c'est-à-dire un idéal
d'humanité – même si, dans leurs contenus, ces modèles varient
d'une région à l'autre, d'une époque à une autre.
Raisonner
c'est donner à la pensée une portée universelle. Raisonner sur
l'homme par exemple, ce n'est donc pas penser à un homme, mais c'est
penser tous les hommes : tout homme, en tout lieu, en tout
temps. Or si tel idéal de citoyenneté, de paternité, de filiation,
d'amitié, de foi religieuse, d'humanité, etc. peut être « mon »
modèle, cet idéal correspond cependant à l'idée que je me fais de
ce que doit être, selon le domaine considéré, tout citoyen, ou
tout père, ou tout fils, ou tout ami, ou tout fidèle, ou tout
homme, non pas seulement moi en particulier. « Ainsi je suis
responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine
image de l'homme que je choisis ; en me choisissant, je choisis
l'homme. » écrit Sartre dans L'existentialisme
est un humanisme
(p. 4, l. 3-4). Un
modèle est porté par un individu mais il est une idée qui voudrait
transporter l'individuel dans l'universel. Or seule « la
raison » peut, à la différence de la perception et même de
l'imagination, s'élever jusqu'à l'idée de l'universalité.
Raisonner :
justifier, répondre (de), faire autorité
Enfin
- et ce point est lié au précédent - la raison n'est pas la
faculté, seulement, de penser l'universel mais elle est aussi
la faculté de penser dans l'universel, c'est-à-dire en
s'adressant à tous les autres êtres prêts à raisonner. Quand un
homme ne se contente pas d'exprimer ses sentiments personnels ou ses
émotions intimes, quand un homme ne se contente pas de dire ce qu'il
ressent ou ce qu'il perçoit, quand un homme s'efforce de raisonner
en répondant devant d'autres de ce qu'il pense, dès lors sa pensée
doit pouvoir convaincre tout autre que lui. Telle est aussi la force,
c'est-à-dire l'autorité, d'un véritable modèle : sa valeur
doit pouvoir, sinon s'imposer, du moins être justifiée aux yeux de
tous.
La
raison raisonne : elle cherche la raison d'être, le fondement,
le pourquoi. Elle est donc, par définition, la faculté par laquelle
chacun s'autorise à dire ce qu'il dit, prétend énoncer une vérité
reconnaissable par d'autres, cherche à « montrer » à
d'autres ce qu'il aura vu lui-même, ou compris, en leur
« démontrant ». Elle est la faculté-modèle, la
faculté-étalon, grâce à laquelle l'autorité de tout modèle peut
être mesurée et finalement proposée. La raison propose elle-même
la rationalité comme modèle pour évaluer la valeur de nos modèles.
La rationalité est un modèle indépassable puisque même en
contestant celui-ci on continuera de s'y rapporter : sauf à
vouloir s'imposer par la violence du dressage, sauf à vouloir
« inculquer » des comportements, ne faudra-t-il pas
raisonner si l'on veut contester à la raison son autorité ?
(remarque :
« inculquer » = faire entrer en martelant à coups
de « talon », du latin calx,
calcis)
III Commettre :
la politique (4) et la morale (5)
La
communauté politique / l'espèce naturelle
La
communauté politique - qu'il s'agisse de « l'Etat » dans
la période moderne, de la «polis» grecque ou de la « cité »
romaine dans l'Antiquité - est la façon de faire exister un
ensemble d'êtres devant obéir aux mêmes lois quand, par ailleurs,
on ne trouve pas chez ces êtres une nature les définissant à
l'identique et déterminant leur comportement par les mêmes
propriétés spécifiques. En effet, se « rassembler »
n'est un problème que pour des êtres qui ne sont pas les mêmes,
qui ne se « ressemblent » pas. D'où la notion de modèle.
Parce que le « modèle » est une idée, une image,
c'est-à-dire une représentation aux caractéristiques générales,
non pas une chose concrète avec des caractères particuliers, un
« modèle » peut être mis en commun : un même
modèle guidera la conduite de plusieurs, voire de beaucoup, sinon de
tous. Un même modèle sera d'autant mieux mis en commun que son
autorité aura été reconnue par la majorité des citoyens : un
modèle sera commun s'il est communément voulu, accrédité.
La
« politique » : en un mot, telle est la réponse à
la question de savoir d'où proviennent les modèles, de qui chacun
reçoit les modèles qui l'accompagnent successivement dans son
devenir-sujet. Puisqu'il n'y a pas de « nature humaine »,
puisqu'il n'y a que des modèles culturels du devenir-homme, encore
faut-il qu'une volonté sélectionne ces modèles et définisse le
citoyen-modèle, la famille-modèle, les époux-modèles, etc. Cette
« volonté » est une volonté « politique ».
De quoi cette volonté doit-elle être faite, de qui cette volonté
doit-elle être la volonté si la fonction du « modèle »
est de permettre à la fois le devenir-sujet de chacun et le
rassemblement de tous les sujets ? Cette question fait écho à la
passivité et à l'activité dans la réception du modèle. Car
l'autorité d'un modèle peut se renforcer aussi bien par l'adhésion
aveugle produite sous l'effet des influences que par une adhésion
réfléchie et décidée. Même si mon adhésion est l'effet d'une
manipulation, je suis responsable de la voix que j'apporte à
l'accréditation d'un modèle.
La
« vie politique » pourrait donc être définie comme
l'ensemble des actions, plus ou moins réfléchies, plus ou moins
concertées, par lesquelles tous les citoyens, élus ou électeurs,
majeurs ou mineurs, éducateurs ou éduqués, etc., contribuent à
accréditer l'autorité des modèles destinés à être mis en
commun. Une « volonté politique »pourrait, elle, être
définie comme une réflexion sur les valeurs que doivent incarner
les modèles et sur les moyens de transmettre celles-ci. C'est
pourquoi toute « volonté politique » s'accompagne,
explicitement ou implicitement, d'une « politique éducative ».
C'est en effet par l'éducation, éducation des « générations
à venir » par les « générations actuelles », que
les hommes se transmettent des modèles culturels, modèles qui se
substituent à une nature humaine manquante et à un « genre
humain » non défini. D'ailleurs, « Education nationale »
est dans de nombreux Etats le nom de l'institution qui veille à
organiser la transmission des modèles du citoyen éduqué, «élevé» (comme on dit "bien élevé"), orienté, «instruit», autrement dit
«construit».
Une
communauté politique n'a donc rien à voir avec le regroupement, au
sein d'une même espèce, de tous les êtres ayant une même
« nature ». Le seul fait que toute « transmission »
repose sur une « tradition » suffirait d'ailleurs à le
montrer. Car c'est chez les défunts que les contemporains trouvent
leurs héros et modèles. C'est donc à partir de la représentation
d'un passé connu, évalué, choisi que les hommes se donnent leur
forme à venir. « L'humanité se compose de plus de morts que
de vivants » écrit Auguste Comte dans son Cours de
philosophie positive, rappelant que seuls les humains peuvent
donner au passé non seulement une réalité (ils comptent les morts
au sein de leur communauté) mais aussi et surtout une valeur (ils
comptent sur des morts pour savoir comment se conduire).
Obligation
morale / détermination naturelle
Le
modèle est la représentation de la conduite que je devrai avoir,
que je pourrais donc ne pas avoir. Le fait que l'homme se donne des
modèles à suivre, à « respecter », manifeste la
dimension morale de son existence. L'homme est libre : il devra
répondre de sa conduite parce qu'il aurait pu ne pas avoir cette
conduite. Ce dernier point révèle donc une nouvelle différence,
décisive, entre un être qui se forme à travers un modèle et un
être défini par une nature. Car un être qui a une nature est
défini dans son être (ce qu'il est) et déterminé dans son
comportement (ce qu'il « fait ») : il ne peut
pas ne pas le faire et il n'a donc pas à en répondre.
L'expression
« la morale » ne désigne donc aucune règle en
particulier (comme c'est le cas dans l'expression « faire la
morale » par exemple). La portée du mot est bien plus générale
puisqu'il désigne la dimension propre à tout acte véritable. Tout
acte a un sens moral dans la mesure où l'acte qui a été accompli
aurait pu ne pas être accompli (à la différence d'un comportement
strictement déterminé par la nature d'un être défini).
Conclusion : être, connaître, commettre
Chez
l'homme, être ce qu'il est ou plutôt ce qu'il ...sera, relève d'un
effort qui est un effort de pensée. Chaque homme se pense :
il se pense tel qu'il est, à la lumière de l'idée de soi tel qu'il
voudrait être. C'est cette idée qu'il s'efforce de mettre en acte,
c'est-à-dire de réaliser dans son action. Ainsi se trouvent
articulés les trois principaux aspects de notre existence :
être, connaître
et commettre. L'humain est le seul être dont
l'être peut dépendre de sa pensée et de son action,
lesquelles rejaillissent sur son être. Autrement dit, nous sommes
ce que nous pensons et ce que nous faisons de
nous-mêmes.
Ainsi
trois facultés apparaissent comme essentielles à l'homme. L'esprit
comme faculté de produire des représentations du monde et de
soi-même (appelé « conscience »
le plus souvent quand il s'agit de penser l'individualité, appelé
« raison »
le plus souvent quand il s'agit de penser l'universalité), le désir
comme faculté d'apprécier la valeur d'une représentation et la
liberté
comme faculté de choisir d'agir en suivant ou non le modèle que
l'homme s'est lui-même donné.