C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

« Nature humaine » et modèles d'humanité



Nature / Modèles
 
S'il y a des êtres dont on peut dire qu'ils ont une « nature » au sens où on dit qu'il est « dans » leur nature d'être ce qu'il sont et de se comporter comme ils se comportent, dès lors tous les êtres ayant la même nature seront identiques les uns aux autres; ils auront le même comportement; ils se comporteront toujours conformément aux caractéristiques propres à l'espèce entière. De tels êtres ne doivent pas « réfléchir avant d'agir », c'est-à-dire raisonner en vue de produire un comportement digne de ce qu'ils penseraient être. Par ailleurs, ils ne sont pas libres de s'écarter d'une règle ou d'une idée qu'ils ne se représentent pas : ces êtres ne peuvent pas ne pas se comporter comme ils se comportent.

Appliqués à des êtres qui auraient une même nature, les notions de « sujet », de « culture », de « raison », de « politique » et de « morale » n'ont donc pas de sens. 
 
Au contraire, si des êtres n'avaient pas de « nature » définissant leur essence et déterminant leur conduite, dès lors plusieurs questions se posent, relatives à :
  • la responsabilité de chaque sujet;
  • le modèle culturel à travers lequel chacun devient soi-même;
  • la représentation, grâce à la raison, des valeurs au nom desquelles agir;
  • l'appartenance à une même communauté politique organisée par les mêmes lois;
  • le choix moral d'une conduite qui, n'étant pas déterminée, peut ne pas être conforme à ce qu'elle devrait être.
Or, on constate que les « êtres » humains se font une idée de ce qu'ils voudraient « être ». Ils s'en font une image, un idéal : ils se donnent des « modèles ». Ce constat et toutes ses conséquences permettent d'éclairer chacune des parties du programme ainsi que leurs articulations.
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I Être : le sujet (1) - la culture (2)

Le sujet :contingence et responsabilité
L' «humain» n'est pas un «être» au sens où les autres «êtres» sont des êtres. Car, pour tout homme, être quelqu'un, être soi et personne d'autre, être ce qu'on pourra être, relève d'un effort, d'une exigence, d'un choix. Il n'est pas ici question de l'impératif biologique de « se maintenir en vie », commun à tous les êtres vivants, mais de tout autre chose : il s’agit de devenir « soi-même ». Un être vivant qui se maintient en vie ne doit pas se préoccuper de « ce que », coûte que coûte, il veut maintenir en vie : il n'a pas à se faire une idée de l'être qu'il veut garder en vie, il n'a pas à répondre de ce qu'il fait de lui-même. Tout véritable sujet se fait au contraire une idée de la personne qu'il veut être, qu'il veut faire exister. Sans quoi il aurait des moyens pour vivre sans avoir cependant, comme on dit, une «raison de vivre». Et c’est à travers un modèle, ou même à travers des modèles successifs, que chacun se fait une idée de soi-même tel qu'il veut être – ou, négativement, de soi tel qu'on ne voudrait pas être. 
 
D'ailleurs, même vouloir être quelqu'un qui prend les choses comme elles viennent, quelqu'un qui se laisse porter par les événements et par les situations, quelqu'un qui ne veut suivre aucun modèle préalable, revient à se donner pourtant une ligne de conduite et finalement un idéal, voire un modèle qui pourrait s'incarner dans tel ou tel personnage, peut-être un anti-héros des temps modernes.

Un premier paradoxe se présente car si chacun est appelé à forger sa propre individualité ou « personnalité », appelé à devenir une « personne » à part entière, c'est donc dans un rapport à quelqu'un d'autre qu'il le fera : autrui ou, pour le moins, cet autre qu'il voudrait être, qu'il n'est pas encore, qu'il ne sera peut-être jamais, dont il se fait cependant une image.
 
La notion de modèle repose donc sur les notions, inséparables, d'individualité, de singularité et de communauté, c'est-à-dire sur des mots ou expressions aussi ordinaires que « moi », « toi », « chaque » ou « chacun », « tout le monde », « les autres », « quelqu'un », «quelqu'un d'autre», « faire pareil » ou «faire comme », mots et expressions qui posent une double exigence : être soi-même et, pour pouvoir l'être, entrer en relation avec quelqu'un d'autre. 
 
C'est pourquoi la question d'un modèle à suivre ne peut pas se poser à des êtres qui seraient tous les mêmes, tous spécimens d'une même espèce, tous déterminés par une même « nature », essence ou définition, correspondant à l'espèce. La question du modèle ne se pose pas à des êtres qui n'auraient ni « conscience » ni « esprit » ni « raison » ou qui, du moins, n'auraient pas besoin de se faire une idée, grâce à cette conscience, de ce qu'ils doivent être pour le devenir. La question du modèle ne peut pas se poser à des êtres qui ne devraient pas prendre conscience de ce qu'ils voudraient être pour avoir une chance de le devenir, pour se réjouir un jour de l'être devenu ou, au contraire, pour ressentir la déception de ne pas y être parvenu. Au contraire, conscient de sa venue au monde, l'être humain s'efforce de devenir soi-même, d'y parvenir.

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L'essence de l'homme : une « nature humaine » ou des modèles culturels ?

C'est parce qu'il n’y a pas de « nature humaine » qui impose à l’homme d’être ce qu’il est, que tout homme a une culture qui lui propose des modèles de conduite. Le rapport à cette culture, qui me fait être la personne que je suis, est un rapport de plus ou moins grande passivité. Tout modèle transmis doit en effet être reçu pour pouvoir être suivi. Or recevoir implique autant une passivité qu'une activité. Même un modèle que je choisis, et que pour cette raison je peux revendiquer, reste un modèle qui s'impose à moi et que je dois suivre : un modèle est un ensemble de règles qui me prescrivent globalement un mode de conduite, ne serait-ce qu'un simple « modus operandi » (une « façon de faire »). Inversement, un modèle qui me façonne à mon insu, qui m'influence, est cependant un modèle auquel j'ai offert une prise, c'est-à-dire aux influences duquel j'ai accepté de m'exposer (en prêtant l'oreille à tel discours, en allumant tel écran, en consultant telles pages, etc.). 
 
La question du modèle est donc au cœur de la culture car le point de départ de cette question n'est pas seulement le fait qu'un homme doit changer pour devenir lui-même, mais surtout le fait qu'un homme peut choisir celui qu'il veut devenir, c'est-à-dire décider d'accorder un crédit à une image ou idée de soi-même : il peut décider de faire d'une simple « idée » un véritable « idéal », autrement dit une pensée qui appelle à l'action. En ce sens, un véritable changement n'est pas le seul fait de changer, c'est-à-dire de « devenir quelqu'un d'autre », mais d'être parvenu à choisir son modèle soi-même, indépendamment de la question de savoir si on réussit ou non à réaliser ce modèle, à l'incarner. Pour un homme, changer vraiment n'est pas se transformer, ni même peut-être changer de modèle, mais plutôt changer son rapport au modèle, et d'abord parvenir à choisir lui-même son modèle. Sinon, pourquoi les influences d'une culture seraient-elles préférables aux effets d'une nature déterminant les comportements ?

Car, à supposer qu'on puisse parler de changement ou de transformation chez l'animal, on peut toutefois douter que l'animal ait à choisir et, d'abord, à penser l' « imago » qui, comme chez la mouche ou le papillon, sous-tend le processus de sa transformation.

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II Connaître : la raison et le réel (3)

Penser, se penser : se définir, se situer comme partie appartenant à un ensemble

La faculté appelée « raison » est elle-même au cœur des questions soulevées par la notion de modèle. D'abord parce que, quand elle raisonne, « la raison » est une actualisation de notre « esprit ». Une idée, un idéal, une représentation en général, même une simple image, ne peut provenir que d'un « esprit ». A l'inverse, ce qui n'est que matière ne peut échapper à son propre être en pensant son être, en se le « représentant » ou, plus grande impossibilité encore, en pensant un autre être.

Tout ce qui n'est que « matière » ne peut se penser, se situer, se comparer : une chose ne peut pas entrer en rapport avec elle-même pour se voir telle qu'elle est et encore moins pour s'imaginer telle qu'elle pourrait être, telle qu'elle devrait être. Une chose est enfermée dans ce qu'elle est, elle est sans recul par rapport à elle-même : sans recul au point de ne pas même pouvoir poser un regard sur elle-même pour se juger telle qu'elle est en se comparant à l'image d'elle-même telle qu'elle devrait être. Au contraire, un être doté d'esprit peut se penser soi-même et penser d'autres êtres au point, même, de pouvoir prendre ces êtres comme modèles de ce qu'il voudrait être. 
 
En particulier, l'homme est un être vivant qui pense le vivant en général, qui construit la science du vivant, la « biologie », et qui cherche dans certaines aptitudes biologiques les modèles de ses futures performances technologiques.

Et plus généralement : l'homme est une partie du « réel » (une partie de « la nature », de « l'univers ») capable d'étudier les lois qui régissent celui-ci au point de prendre modèle sur l'universalité de ces lois (ex : tous les corps physiques sont soumis à la gravitation universelle). Ce modèle lui permet de constituer un monde humain, une communauté politique ou morale, dont les lois devront avoir le même caractère d'universalité que les lois physiques (ex : pour être citoyen de cet Etat, tout homme doit obéir aux lois qui régissent cet Etat).

La raison : l'universel et le particulier

La raison est en effet définie comme la faculté qui permet de concevoir des ensembles, des abstractions, des définitions, c'est-à-dire des totalités distinctes qui, chacune, rassemblent des individualités. Ainsi, par exemple, le mot « humanité » ne désigne aucun homme en particulier mais rassemble tous les hommes ayant existé, existant aujourd'hui, devant exister un jour. 
 
Raisonner c'est raisonner sur des définitions qui s'élèvent au-delà des individus perceptibles ici et maintenant. Par exemple, raisonner à propos de l'homme c'est raisonner sur l'humain, c'est-à-dire sur la condition propre à tous les êtres humains, où qu'ils soient et quelle que soit l'époque où ils aient vécu. C'est, par exemple, réfléchir au fait que toutes les communautés humaines ont eu, toujours et partout, besoin de modèles culturels qui leur permettaient de définir une civilisation, c'est-à-dire un idéal d'humanité – même si, dans leurs contenus, ces modèles varient d'une région à l'autre, d'une époque à une autre.

Raisonner c'est donner à la pensée une portée universelle. Raisonner sur l'homme par exemple, ce n'est donc pas penser à un homme, mais c'est penser tous les hommes : tout homme, en tout lieu, en tout temps. Or si tel idéal de citoyenneté, de paternité, de filiation, d'amitié, de foi religieuse, d'humanité, etc. peut être « mon » modèle, cet idéal correspond cependant à l'idée que je me fais de ce que doit être, selon le domaine considéré, tout citoyen, ou tout père, ou tout fils, ou tout ami, ou tout fidèle, ou tout homme, non pas seulement moi en particulier. « Ainsi je suis responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine image de l'homme que je choisis ; en me choisissant, je choisis l'homme. » écrit Sartre dans L'existentialisme est un humanisme (p. 4, l. 3-4). Un modèle est porté par un individu mais il est une idée qui voudrait transporter l'individuel dans l'universel. Or seule « la raison » peut, à la différence de la perception et même de l'imagination, s'élever jusqu'à l'idée de l'universalité.

Raisonner : justifier, répondre (de), faire autorité

Enfin - et ce point est lié au précédent - la raison n'est pas la faculté, seulement, de penser l'universel mais elle est aussi la faculté de penser dans l'universel, c'est-à-dire en s'adressant à tous les autres êtres prêts à raisonner. Quand un homme ne se contente pas d'exprimer ses sentiments personnels ou ses émotions intimes, quand un homme ne se contente pas de dire ce qu'il ressent ou ce qu'il perçoit, quand un homme s'efforce de raisonner en répondant devant d'autres de ce qu'il pense, dès lors sa pensée doit pouvoir convaincre tout autre que lui. Telle est aussi la force, c'est-à-dire l'autorité, d'un véritable modèle : sa valeur doit pouvoir, sinon s'imposer, du moins être justifiée aux yeux de tous. 
 
La raison raisonne : elle cherche la raison d'être, le fondement, le pourquoi. Elle est donc, par définition, la faculté par laquelle chacun s'autorise à dire ce qu'il dit, prétend énoncer une vérité reconnaissable par d'autres, cherche à « montrer » à d'autres ce qu'il aura vu lui-même, ou compris, en leur « démontrant ». Elle est la faculté-modèle, la faculté-étalon, grâce à laquelle l'autorité de tout modèle peut être mesurée et finalement proposée. La raison propose elle-même la rationalité comme modèle pour évaluer la valeur de nos modèles. La rationalité est un modèle indépassable puisque même en contestant celui-ci on continuera de s'y rapporter : sauf à vouloir s'imposer par la violence du dressage, sauf à vouloir « inculquer » des comportements, ne faudra-t-il pas raisonner si l'on veut contester à la raison son autorité ? (remarque : « inculquer » = faire entrer en martelant à coups de « talon », du latin calx, calcis)

Pro-Infirmis-«Because-who-is-perfect
III Commettre : la politique (4) et la morale (5)

La communauté politique / l'espèce naturelle 
 
La communauté politique - qu'il s'agisse de « l'Etat » dans la période moderne, de la «polis» grecque ou de la « cité » romaine dans l'Antiquité - est la façon de faire exister un ensemble d'êtres devant obéir aux mêmes lois quand, par ailleurs, on ne trouve pas chez ces êtres une nature les définissant à l'identique et déterminant leur comportement par les mêmes propriétés spécifiques. En effet, se « rassembler » n'est un problème que pour des êtres qui ne sont pas les mêmes, qui ne se « ressemblent » pas. D'où la notion de modèle. Parce que le « modèle » est une idée, une image, c'est-à-dire une représentation aux caractéristiques générales, non pas une chose concrète avec des caractères particuliers, un « modèle » peut être mis en commun : un même modèle guidera la conduite de plusieurs, voire de beaucoup, sinon de tous. Un même modèle sera d'autant mieux mis en commun que son autorité aura été reconnue par la majorité des citoyens : un modèle sera commun s'il est communément voulu, accrédité.

La « politique » : en un mot, telle est la réponse à la question de savoir d'où proviennent les modèles, de qui chacun reçoit les modèles qui l'accompagnent successivement dans son devenir-sujet. Puisqu'il n'y a pas de « nature humaine », puisqu'il n'y a que des modèles culturels du devenir-homme, encore faut-il qu'une volonté sélectionne ces modèles et définisse le citoyen-modèle, la famille-modèle, les époux-modèles, etc. Cette « volonté » est une volonté « politique ». De quoi cette volonté doit-elle être faite, de qui cette volonté doit-elle être la volonté si la fonction du « modèle » est de permettre à la fois le devenir-sujet de chacun et le rassemblement de tous les sujets ? Cette question fait écho à la passivité et à l'activité dans la réception du modèle. Car l'autorité d'un modèle peut se renforcer aussi bien par l'adhésion aveugle produite sous l'effet des influences que par une adhésion réfléchie et décidée. Même si mon adhésion est l'effet d'une manipulation, je suis responsable de la voix que j'apporte à l'accréditation d'un modèle. 
 
La « vie politique » pourrait donc être définie comme l'ensemble des actions, plus ou moins réfléchies, plus ou moins concertées, par lesquelles tous les citoyens, élus ou électeurs, majeurs ou mineurs, éducateurs ou éduqués, etc., contribuent à accréditer l'autorité des modèles destinés à être mis en commun. Une « volonté politique »pourrait, elle, être définie comme une réflexion sur les valeurs que doivent incarner les modèles et sur les moyens de transmettre celles-ci. C'est pourquoi toute « volonté politique » s'accompagne, explicitement ou implicitement, d'une « politique éducative ». C'est en effet par l'éducation, éducation des « générations à venir » par les « générations actuelles », que les hommes se transmettent des modèles culturels, modèles qui se substituent à une nature humaine manquante et à un « genre humain » non défini. D'ailleurs, « Education nationale » est dans de nombreux Etats le nom de l'institution qui veille à organiser la transmission des modèles du citoyen éduqué, «élevé» (comme on dit "bien élevé"), orienté, «instruit», autrement dit «construit».

Une communauté politique n'a donc rien à voir avec le regroupement, au sein d'une même espèce, de tous les êtres ayant une même « nature ». Le seul fait que toute « transmission » repose sur une « tradition » suffirait d'ailleurs à le montrer. Car c'est chez les défunts que les contemporains trouvent leurs héros et modèles. C'est donc à partir de la représentation d'un passé connu, évalué, choisi que les hommes se donnent leur forme à venir. « L'humanité se compose de plus de morts que de vivants » écrit Auguste Comte dans son Cours de philosophie positive, rappelant que seuls les humains peuvent donner au passé non seulement une réalité (ils comptent les morts au sein de leur communauté) mais aussi et surtout une valeur (ils comptent sur des morts pour savoir comment se conduire).

Obligation morale / détermination naturelle 
 
Le modèle est la représentation de la conduite que je devrai avoir, que je pourrais donc ne pas avoir. Le fait que l'homme se donne des modèles à suivre, à « respecter », manifeste la dimension morale de son existence. L'homme est libre : il devra répondre de sa conduite parce qu'il aurait pu ne pas avoir cette conduite. Ce dernier point révèle donc une nouvelle différence, décisive, entre un être qui se forme à travers un modèle et un être défini par une nature. Car un être qui a une nature est défini dans son être (ce qu'il est) et déterminé dans son comportement (ce qu'il « fait ») : il ne peut pas ne pas le faire et il n'a donc pas à en répondre. 
 
L'expression « la morale » ne désigne donc aucune règle en particulier (comme c'est le cas dans l'expression « faire la morale » par exemple). La portée du mot est bien plus générale puisqu'il désigne la dimension propre à tout acte véritable. Tout acte a un sens moral dans la mesure où l'acte qui a été accompli aurait pu ne pas être accompli (à la différence d'un comportement strictement déterminé par la nature d'un être défini). 
 
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Conclusion : être, connaître, commettre

Chez l'homme, être ce qu'il est ou plutôt ce qu'il ...sera, relève d'un effort qui est un effort de pensée. Chaque homme se pense : il se pense tel qu'il est, à la lumière de l'idée de soi tel qu'il voudrait être. C'est cette idée qu'il s'efforce de mettre en acte, c'est-à-dire de réaliser dans son action. Ainsi se trouvent articulés les trois principaux aspects de notre existence : être, connaître et commettre. L'humain est le seul être dont l'être peut dépendre de sa pensée et de son action, lesquelles rejaillissent sur son être. Autrement dit, nous sommes ce que nous pensons et ce que nous faisons de nous-mêmes.

Ainsi trois facultés apparaissent comme essentielles à l'homme. L'esprit comme faculté de produire des représentations du monde et de soi-même (appelé « conscience » le plus souvent quand il s'agit de penser l'individualité, appelé « raison » le plus souvent quand il s'agit de penser l'universalité), le désir comme faculté d'apprécier la valeur d'une représentation et la liberté comme faculté de choisir d'agir en suivant ou non le modèle que l'homme s'est lui-même donné.