C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Le désir / Définition

Le mot « désir » est ici employé pour désigner une faculté, non pas seulement un acte ou un état. De même que la langue distingue deux façons d'employer le mot « volonté » au sens où l'on parle tantôt d'une volonté (comme acte), tantôt de la volonté (comme faculté), de même on distinguera d'une part le désir comme faculté de désirer en général et d'autre part un désir, éprouvé ici et maintenant, ce désir, celui-ci ou celui-là.

Ainsi le désir pourra être défini comme la faculté de donner de l'importance, d'attribuer une valeur, une grandeur, de faire des différences. Il ne s'agit donc pas seulement de connaître la valeur d'une chose, mais plutôt de reconnaître cette valeur, d'y être sensible soi-même, d'être touché par elle - ce qui fait que la chose correspondant à cette valeur, la symbolisant, manquera si elle s'absente.

Le désir n'est pas d'abord un état de manque face à l'éloignement (qui n'est qu'une conséquence), il est positivement une force qui s'oppose à un état d'indifférence, un état où tout me serait égal, c'est-à-dire littéralement « neutre » (ni l'un ni l'autre, ni bon ni mauvais).

Le désir est donc, comme l'écrit Kant, la "faculté de désirer". Cette faculté est essentielle à l'homme au sens où elle est révélatrice de l'essence de l'homme. 
En effet, elle fait apparaître l'humain comme un être qui a un rapport à l'être en général 

  • parce que grâce à son désir l'humain évalue l'être : il donne une préférence à un état de l'être plutôt qu'à un autre 
  • parce que, par son désir, l'humain fait "entrer" l'esprit dans la matière, l'idée dans les choses : désirer ne consiste pas seulement à produire une représentation (une idée, un concept, voire une simple image) mais à se tendre vers la réalisation de cette représentation. Parce que j'ai un désir, je fais en sorte que, d'une façon ou d'une autre, mon idée devienne réalité, qu'elle se réalise.