«Les humains sont les seuls animaux qui font délibérément des enfants, tissent des liens entre eux (ou pas), fêtent les anniversaires, gaspillent et perdent leur temps, se brossent les dents, éprouvent de la nostalgie, nettoient les tâches, ont des religions, des partis politiques et des lois, portent des amulettes-souvenirs, s'excusent des années après avoir offensé autrui, chuchotent, ont peur d'eux-mêmes, interprètent les rêves, dissimulent leurs organes sexuels, se rasent, enterrent des capsules témoins et peuvent choisir de ne pas manger quelque chose pour des raisons de conscience. Les justifications pour manger et ne pas manger des animaux sont souvent les mêmes : nous ne sommes pas des animaux.»
J. Safran-Foer, Eating animals (2009)
- faire délibérément des enfants
- tisser des liens entre eux (ou pas)
- fêter les anniversaires
- se brosser les dents
- éprouver de la nostalgie
- nettoyer les tâches
- avoir des religions
- avoir des partis politiques et des lois
- porter des amulettes-souvenirs
- s'excuser des années après avoir offensé autrui
- chuchoter
- avoir peur de soi-même
- interpréter ses rêves, raconter le rêve de la nuit passée avec un enthousiasme que ne partage pas toujours son interlocuteur et persévérer dans son récit, ne pas oser raconter l'un de ses rêves, être tourmenté par un simple rêve, se souvenir inopinément au cours de sa journée d'un rêve fait la nuit passée et prendre plaisir à ce souvenir, une fois réveillé désirer "retourner à" ou "dans" son rêve, se demander au réveil si c'était "en rêve ou dans la réalité", à cause d'un rêve sentir le poids d'une faute commise comme si celle-ci avait pu être commise dans la réalité
- dissimuler ses organes sexuels
- se raser
- enterrer des capsules témoins
- choisir de ne pas manger quelque chose par conviction
- Se sentir « tout petit » face à l'univers qui dépasse infiniment ce qu'on est et qu'on est néanmoins capable de penser (non pas se sentir faible face à un danger ou une menace)
- porter la responsabilité de témoigner, de déclarer ce qu'on a vu ou entendu
- Se cacher à ses propres yeux, ne pas vouloir se voir, se regarder dans une glace, fuir le regard d'autrui qui renvoie à son regard sur soi-même
- Avoir un chez-soi où cependant on invitera autrui
- prendre plaisir à individualiser toute chose en lui donnant un nom ou en racontant son histoire, être vivant ou non, un animal (Moby Dick), un océan (le Pacifique), un massif montagneux (les Alpes) ou une planète (Saturne)
- Prendre plaisir à reconnaître les traits de "quelqu'un", un individu, père, mère, ou arrière grand-mère, dans le visage du nouveau-né ou, peu à peu, chez l'enfant qui grandit
- Connaître des degrés dans la proximité, dans les échanges, se sentir plus ou moins proche selon la nature du lien : amour / amitié / famille / corporation professionnelle / association sportive / relations sociales / clientèle / solidarité sociale / citoyenneté, etc.
- s'intéresser à un récit qui parle du destin d'un inconnu
- se réunir, nombreux, autour d'un seul, l'humoriste, ...juste pour rire
- se sentir proche des autres par le fait que ceux-ci connaissent les mêmes contes et récits, les mêmes chansons, que soi-même
- se sentir proche d'autrui par la communauté de croyances, de convictions, indépendamment de la dissemblance physique, de la différence sexuelle, des distinctions sociales
- le déni, la mauvaise foi : ne pas vouloir reconnaître ses actes, ne pas vouloir reconnaître une intention, ne pas vouloir se reconnaître dans le sens d'une action passée
- Donner rendez-vous
- posséder des objets et, ainsi, pouvoir perdre ceux-ci
- chercher à démontrer ce qu'on dit, à justifier ce qu'on fait, à dire pourquoi
- s'inquiéter d'être bien compris par autrui
- être prêt à mourir pour une cause
- avoir les moyens de vivre, chercher une raison de vivre
- se faire la guerre pour des idées
- jouer un rôle, porter un masque, interpréter un texte (souvent écrit par autrui)
- représenter quelqu'un d'autre, donner procuration, déléguer
- apprendre les règles d'un jeu ou même les inventer
- avoir des animaux de compagnie
- s'adresser à autrui malgré la différence des langues, à l'animal malgré l'absence de langue, au végétal pourtant sans expressivité, et même à la matière qui n'est même pas silencieuse
- parler avec ses mains en plus de ses mots, engager son corps tout entier dans le désir de se faire comprendre
- mentir
- dresser l'animal pour utiliser sa force de traction, de locomotion
- vouloir connaître les espèces vivantes autres que la siennes, les rencontrer, leur parler
- choisir une autre espèce vivante que la sienne comme environnement de vie
- choisir son élément de vie : terrestre, céleste, marin
- maintenir son milieu de vie à proximité de dangers géologiques pourtant reconnus (séisme, éruption volcanique, etc.)
- devoir choisir ou, au contraire, regretter de ne pas pouvoir choisir l'activité à laquelle les deux tiers de son existence sera consacrée (son «travail»)
- avoir une phobie
- avoir une attirance passionnelle (-philie), voire pathologique
- fabriquer des objets (faire exister des choses stables, qui restent)
- s'inquiéter des limites de son existence, vouloir croire à une autre vie
- nourrir l'humain qu'on veut être, pour compenser les efforts, la dépense, corrélatifs de l'humain qu'on choisit d'être (l'alimentation humaine est solidaire d'un mode d'être et finalement d'un modèle : se nourrir = entretenir le modèle auquel on tient)
- s'imposer des limites à la satisfaction de ses besoins : limites dans le temps, l'espace, de personnes (pour soi : à quel âge il est décent de …, face à qui il est décent de..., privé/ public)
- Famille : chez l'homme, la « cellule familiale » n'est qu'un moment de l'éducation de l'individu – d'autres institutions prennent le relais. Non seulement la famille humaine ne se confond pas avec un foyer de géniteurs (il y a des substituts) mais surtout l'éducation se poursuit et doit se poursuivre au-delà. La famille joue son rôle quand elle se découvre comme institution ouvrant sur autre, sur d'autres.
- Education : une première vie pour apprendre, une autre pour en tirer profit. Le problème est que c'est en une seule et même existence qu'on doit apprendre et mettre en pratique.
- latéralité du corps humain : l'habileté des mains, la dissymétrie qui résulte du maniement différencié des deux mains (l'une qui maintient – la feuille – l'autre qui tient - le stylo)
- l'orientation du corps humain en fonction du rapport aux objets – un être qui ne tient pas d'objets n'est pas orienté
- Les animaux se font-ils la « guerre » ? La guerre apparaît d'abord comme une entreprise de dépossession, de conquête. Encore faut-il avoir quelque chose à prendre (des objets et des ressources énergétiques pour faire fonctionner ces objets que sont les "appareils" et "machines") : un animal n'a rien d'autre que ce qu'il est, rien ne peut lui être pris. Or l'ensemble des objets possédés, qui sont des moyens de vivre n'ont pas de valeurs en eux-mêmes mais seulement comme conditions d'un certain mode d'existence, d'une certain façon d'être humain, c'est-à-dire d'un modèle d'humanité. Les hommes ne se font pas donc pas la guerre pour la conquête de moyens de survie mais pour imposer une idée de l'homme, de l'humanité, de régime politique (coloniser = christianiser = "humaniser" / interventionnisme = "démocratiser").
- Violence humaine : violation, viol, de l'entité, de l'unité, de l'ordre, la personne, la communauté, l'idée que l'on se fait de soi, du groupe
- Habitat : l'homme habite parce que l'homme peut avoir : son habitat est d'abord là où il dépose et entrepose ce qu'il ne peut ni tenir ni porter – tous ses objets.
