Certains de nos comportements nous semblent "instinctifs" parce que nous les avons appris depuis bien longtemps, que nous n'avons pas le souvenir de les avoir appris, même pas le souvenir de "nous avant de les avoir appris". Encore moins le souvenir d'avoir voulu avoir de tels comportements.
Nous ne prenons donc pas toujours conscience de la volonté qui sous-tend nos actions. Aussi pourrions-nous croire que ce que nous faisons, nous le faisons malgré nous, sans attention, sans effort, machinalement, voire "instinctivement".
Nous ne prenons donc pas toujours conscience de la volonté qui sous-tend nos actions. Aussi pourrions-nous croire que ce que nous faisons, nous le faisons malgré nous, sans attention, sans effort, machinalement, voire "instinctivement".
Pourtant, la plupart de nos conduites et de nos
actes mettent en jeu autrui, voire une communauté de nos semblables,
ce qui suppose que nous nous rendions ensemble en même temps dans
les mêmes lieux.
D'ailleurs, même quand une personne mène une
activité dans la solitude, dans le retrait par rapport à la vie
sociale, cette activité s'accomplit toujours dans un intervalle
entre deux moments de sociabilité : elle est engagée à
revenir en un temps donné, dans un lieu donné, parce qu'elle est
attendue par d'autres, parce que rendez-vous lui a été donné. D'où, peut-être, la décision de certains "disparus volontaires" de rompre toutes les attaches, les amarres (voir aussi Naissance des fantômes, 1998, un roman de Marie Darrieussecq).
Il est vrai que
l'habitude nous rend imperceptibles les rendez-vous que pourtant nous
prenons et nous pourrions croire que seules des circonstances
exceptionnelles appellent une prise de rendez-vous. En réalité,
tous les domaines de notre vie sociale reposent sur des engagements,
sur des promesses : nous nous engageons à nous rendre en tel
lieu à tel moment et, implicitement ou explicitement, nous prenons
« rendez-vous ».
Toutes nos conduites, nos
façons de faire et autres modes de comportements, relèvent donc
directement ou indirectement de la pratique sociale du rendez-vous
(parce que même une activité libre de toute obligation s'accomplit
entre deux engagements, deux rendez-vous, ne serait-ce que
l'obligation après une journée de repos de retourner à son
activité professionnelle, ne serait-ce que la promesse, implicite, de revenir chaque soir dans un lieu de vie commune, quoique "privée", que celle-ci soit conjugale ou familiale ou de simple cohabitation).
En ce sens, ce sont des
habitudes qui nous conduisent, non pas des instincts. Car une fois
déchiffrée, décortiquée, analysée, la pratique sociale du «rendez-vous» révèle des ingrédients de l'action
humaine irréductibles aux déterminations propres à l'instinct.