Qu'est-ce
qui assure nos pas ?
« Qu'on
loge un philosophe dans une cage de menus filets de fer cler-semez,
qui soit suspendue au haut des tours nostre Dame de Paris, il verra
par raison evidante qu'il est impossible qu'il en tombe, et si, ne se
sçauroit garder (s'il n'a accoustumé le mestier des recouvreurs)
que la veuë de cette hauteur extreme ne l'espouvanté et ne le
transisse. Car nous avons assez affaire de nous asseurer aux galeries
qui sont en nos clochiers, si elles sont façonnées à jour, encores
qu'elles soyent de pierre. Il y en a qui n'en peuvent pas seulement
porter la pensée. Qu'on jette une poutre entre ces deux tours, d'une
grosseur telle qu'il nous la faut à nous promener dessus : il n'y a
sagesse philosophique de si grande fermeté qui puisse nous donner
courage d'y marcher comme nous le ferions, si elle estoit à terre. »
Michel
de Montaigne (1533-1592), Essais,
II,
Apologie
de Raymond Sebond
Blaise
Pascal reprendra l'idée de cette mise en scène :
« Le
plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu'il ne
faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le
convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n'en
sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer. »
Pascal,
Pensées (Laf. 44)