C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Koltès / Façons de voir, façons de croire et raisons de vivre




[1er personnage] : « Or, de même que je sais – sans me l’expliquer mais avec une certitude absolue – que la terre sur laquelle nous sommes posés vous et moi et les autres est elle-même posée en équilibre sur la corne d’un taureau et maintenue dans cette position par la main de la providence, de même je tâche, sans tout à fait savoir pourquoi mais sans hésitation, de rester dans la limite de ce qui est convenable, évitant l’inconvenant comme un enfant doit éviter de se pencher au bord du toit avant même de comprendre la loi de la chute des corps. (…)
    [2nd personnage] : « Ainsi vous prétendez que le monde sur lequel nous sommes posés, vous et moi, est tenu à la pointe de la corne d’un taureau par la main d’une providence ; or je sais, moi, qu’il flotte, posé sur le dos de trois baleines ; qu’il n’est point de providence ni d’équilibre, mais le caprice de trois monstres idiots. Nos mondes ne sont donc pas les mêmes, et notre étrangeté mêlée à nos natures comme le raisin dans le vin. »

Bernard-Marie Koltès,
Dans la solitude des champs de coton (1986)