« Le
désir humain diffère donc du désir animal (constituant un être
naturel, seulement vivant et n’ayant qu’un sentiment de sa vie)
par le fait qu’il porte non pas sur un objet réel, « positif »,
donné, mais sur un autre désir. Ainsi, dans le rapport entre
l’homme et la femme, par exemple, le désir n’est humain que si
l’un désire non pas le corps, mais le désir de l’autre, s’il
veut « posséder » ou « assimiler » le désir pris en tant que
désir, c’est-à-dire s’il veut être « désiré » ou « aimé
» ou bien encore « reconnu » dans sa valeur humaine, dans sa
réalité d’individu humain. De même, le désir qui porte sur un
objet naturel n’est humain que dans la mesure où il est «
médiatisé » par le désir d’un autre portant sur le même objet
: il est humain de désirer ce que désirent les autres, parce qu’ils
le désirent. Ainsi, un objet parfaitement inutile au point de vue
biologique (tel qu’une décoration ou le drapeau de l’ennemi)
peut être désiré parce qu’il fait l’objet d’autres désirs.
Un tel désir ne peut être qu’un désir humain, et la réalité
humaine en tant que différente de la réalité animale ne se crée
que par l’action qui satisfait de tels désirs : l’histoire
humaine est l’histoire des désirs désirés ».
Alexandre
Kojève,
Introduction
à la lecture de Hegel
(cours professés entre 1933 et 1939, publiés en 1947)
(cours professés entre 1933 et 1939, publiés en 1947)