« La
nature, en effet, ne fait rien de superflu et elle n'est pas prodigue
dans l'usage des moyens pour atteindre ses fins. Qu'elle ait donné à
l'homme la raison et la liberté du vouloir qui se fonde sur elle,
c'était déjà l'indication de son intention en ce qui concerne la
dotation de l'homme. Ce dernier devait dès lors ni être conduit par
l'instinct, ni être pourvu et informé par une connaissance innée.
Il devait bien plutôt tout tirer de lui-même. L'invention des
moyens de se nourrir, de s'abriter, d'assurer sa sécurité et sa
défense (pour lesquelles la nature ne lui a donné ni les cornes du
taureau, ni les griffes du lion, ni les crocs du chien, mais
seulement les mains), tous les divertissements, qui peuvent rendre la
vie agréable, même son intelligence et sa prudence et même la
bonté de la volonté, tout cela devait entièrement être son propre
ouvrage. La nature semble ici s'être complue dans sa plus grande
économie (…) comme si également elle avait eu plus à cœur
l'estime de soi
d'un être raisonnable
que le bien-être ».
Kant,
Idée d’une histoire
universelle du
point de vue cosmopolitique
(1784)