« Pour
expliquer les besoins sexuels de l'homme et de l'animal on se sert,
en biologie, de l'hypothèse qu'il existe une "pulsion
sexuelle"; de même que pour expliquer la faim, on suppose la
pulsion de nutrition. Toutefois, le langage populaire ne connaît pas
de terme qui, pour le besoin sexuel, corresponde au mot faim; le
langage scientifique se sert du terme « libido ». L'opinion
populaire se forme certaines idées arrêtées sur la nature et le
caractère de la pulsion sexuelle. Ainsi, il est convenu de dire que
cette pulsion manque à l'enfance, qu'elle se constitue au moment de
la puberté, et en rapport étroit avec les processus qui mènent à
la maturité, qu'elle se manifeste sous la forme d'une attraction
irrésistible exercée par l'un des sexes sur l'autre, et que son but
serait l'union sexuelle ou un ensemble d'actes qui tendent à ce but.
Nous avons toutes les raisons de croire que cette description ne rend
que très imparfaitement compte de la réalité. Si on l'analyse de
près, on y découvre une foule d'erreurs, d'inexactitudes et des
jugements précipités. Commençons par fixer deux termes. La
personne qui exerce un attrait sexuel sera désignée comme objet
sexuel et l'acte auquel pousse la pulsion sera nommé but sexuel.
L'expérience scientifique nous prouve qu'il existe de nombreuses
déviations relatives tantôt à l'objet, tantôt au but sexuel, et
il nous faudra chercher à approfondir les rapports qui existent
entre ces déviations et ce qu'on estime être l'état de choses
normal ».
Freud, Trois
essais sur la théorie sexuelle (1905)