« La
question du but de la vie humaine a été posée d'innombrables fois
; elle n'a jamais encore reçu de réponse satisfaisante. Peut-être
n'en comporte-t-elle aucune. Maints de ces esprits "interrogeants"
qui l'ont posée ont ajouté : s'il était avéré que la vie n'eût
aucun but, elle perdrait à nos yeux toute valeur. Mais cette menace
n'y change rien. Il semble bien plutôt qu'on ait le droit d'écarter
la question. Elle nous semble avoir pour origine cet orgueil humain
dont nous connaissons déjà tant d'autres manifestations. On ne
parle jamais du but de la vie des animaux, sinon pour les considérer
comme destinés à servir l'homme. Mais ce point de vue lui aussi est
insoutenable, car nombreux sont les animaux dont l'homme ne sait que
faire - sauf les décrire, les classer et les étudier - et des
multitudes d'espèces se sont d'ailleurs soustraites à cette
utilisation par le fait qu'elles ont vécu et disparu avant même que
l'homme ne les ait aperçues. Il n'est décidément que la religion
pour savoir répondre à la question du but de la vie. On ne se
trompera guère en concluant que l'idée d'assigner un but à la vie
n'existe qu'en fonction du système religieux. »
Freud, Malaise
dans la civilisation (1929)