« J’ai
lu le récit fait par une femme sur son père atteint par la maladie
d’Alzheimer. Elle publie son livre à compte d’auteur pour
l’entourage et d’éventuels inconnus. C’est une tentative
désespérée et réussie de donner à voir la majesté d’une
personne que le vieillissement et l’indifférence asilaire ont
dépouillé de sa beauté, de son intelligence, de sa liberté, de
son passé, de son avenir, bref de tout ce qui fait une personne.
L’amour est là devant le pire, confronté à son propre mystère :
qu’aimons-nous dans ceux que nous aimons ? Leur force – mais
quand ils n’en ont plus ? Leur charme – mais quand il les a
désertés ? Leur parole – mais quand elle est détruite ?
Qu’est-ce qu’une « personne » ? Qu’est-ce
qu’aimer ? Aimons-nous ceux que nous croyons aimer ?
Questions, questions, questions – et pour les réponses on verra
dans une autre vie. Peut-être. Sûrement. Peut-être. »
Christian
Bobin, Autoportrait au radiateur (1997)