C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

L'ombre, un corps-lumière

Chaque être humain est un "Je", une "personne", un "sujet". 

L'étonnement de chacun face au fait qu'il est un sujet se remarque à un autre fait, qui est la conséquence du premier : parce qu'il est lui-même "sujet", un être humain voudrait peupler le monde d'autres sujets, d'autres personnes ou plutôt personnages, qu'il fera être, qu'il fera parler - et, parfois même, lui parler. 

Nous avons autour de nous, "avec" nous, à l'intérieur même de nos maisons (domus en latin), nos propres animaux domestiques. Nous les appelons, nous les nommons, souvent nous leur parlons. Nous prétendons qu'ils nous écoutent et nous espérons qu'ils nous comprennent.

Nous pouvons aussi avoir sous nos yeux et dans nos mains des marionnettes, des figurines, objets-personnages fabriqués par l'art des hommes.

Mais, avant tout objet fabriqué, nous avons déjà devant nous notre propre ombre, celle que nous projetons involontairement, avec laquelle nous pouvons cependant décider de jouer, avec laquelle nous pouvons entrer dans une sorte de dialogue, comme si elle devenait un personnage et un interlocuteur. 

L'artiste peut fabriquer des objets à l'image de l'homme, mais il peut aussi fabriquer des ombres.

L'artiste peut même fabriquer des ombres humaines, des ombres-sujets, à partir de l'ombre des choses. Et pourtant les choses ne sont ni vivantes ni pensantes ... ni elles-mêmes, ni leurs ombres!

Ici l'artiste est une artiste, une réalisatrice : Michèle Lemieux.