L’homme
n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature ; mais c’est
un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme
pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour
le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait
encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt,
et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait
rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là
qu’il faut nous relever et non de l’espace et de la durée, que
nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser :
voilà le principe de la morale. Roseau pensant. — Ce n’est point
de l’espace que je dois chercher ma dignité, mais c’est du
règlement de ma pensée. Je n’aurai pas davantage en possédant
des terres : par l’espace, l’univers me comprend et
m’engloutit comme un point ; par la pensée, je le comprends.
La
grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable.
Un arbre ne se connaît pas misérable. C’est donc être misérable
que de se connaître misérable ; mais c’est être grand que
de connaître qu’on est misérable.
Pascal,
Pensées