C.-O. Verseau professeur de philosophie

Remarque importante sur le « Programme de philosophie en terminale »

Ce qu’on appelle « le programme de philosophie en terminale » ne ressemble pas au « programme » des autres disciplines enseignées dans le cycle secondaire.

En effet, contrairement à ce que laissent penser la grande majorité des manuels scolaires de philosophie et tous les guides de type « annabac »,  les dix-sept notions énumérées par ordre alphabétique dans le « programme de philosophie » ne constituent pas une table des matières ni un sommaire des chapitres à étudier successivement. 

En ce sens, la progression au cours de l’année ne se mesure pas au nombre de notions traitées. 

Car, si ces notions doivent toutes êtres « examinées », elles ne doivent pas, comme y insiste le Bulletin Officiel de L’Education Nationale, être traitées en elles-mêmes, pour elles-mêmes, mais situées dans le contexte de « problèmes abordés « en cours, que ce soit à travers l’étude d’un extrait d’oeuvre ou d’une oeuvre intégrale, ou que ce soit dans le cadre d’une question qui offre matière à un sujet de dissertation. 


« Les notions n’indiquent pas des parcours qui seraient déterminés à l’avance, pas davantage un ordre correspondant aux chapitres successifs d’un cours, qui relève de la responsabilité du professeur. » (BO Education Nationale - Programme de philosophie de terminale générale).


Cette différence avec les autres disciplines tient au fait que la réflexion philosophique porte sur des « questions », des « problèmes » et au fait que - le premier critère d’évaluation d’une copie d’examen étant de savoir si la réflexion qui y est élaborée est ou non « philosophique » -, il est avant tout demandé au candidat ou à la candidate d’arriver à poser un problème à partir d’une question posée (dissertation) ou d’identifier le problème qui est abordé par un.e auteur.e dans un texte que le candidat ou la candidate a choisi d’analyser (explication de texte).


C’est pourquoi, l’objectif de l’enseignement de philosophie est ainsi énoncé :


« Ouvert aux acquis des autres disciplines et aux multiples liens qu’il peut nouer avec elles, l’enseignement de la philosophie vise à développer chez les élèves le souci de l’interrogation et de la vérité, l’aptitude à l’analyse et l’autonomie de la pensée sans lesquels ils ne sauraient appréhender la complexité du réel. Son but est de permettre à chaque élève de s’orienter dans les problèmes majeurs de l’existence et de la pensée. » (BO Education Nationale - Programme de philosophie de terminale générale).


L’examen n’étant préparé que par une seule année scolaire, les « problèmes » à aborder ont été délimités par trois perspectives : 

1. L’existence humaine et la culture 

2. La morale, la politique 

3. La connaissance.

Les trois perspectives sont les piliers fondamentaux du programme de philosophie. 


« Ces trois perspectives orientent vers des problèmes constamment présents dans la tradition philosophique, qu’un enseignement initial de la philosophie ne saurait ignorer. 

        Elles ont une triple fonction :

elles déterminent et donc limitent les sujets qui peuvent être donnés au baccalauréat, parce qu’ils engagent directement les problèmes fondamentaux qu’elles ouvrent ;

elles déterminent et donc limitent la liste des notions qu’il convient de retenir pour que ces perspectives soient effectivement éclairées par leur étude et par l’examen des problèmes qu’elles soulèvent ;

elles invitent les professeurs à les prendre en compte dans l’étude des notions et des œuvres, sans contraindre leur liberté pédagogique. » 

(BO Education Nationale - Programme de philosophie de terminale générale).


Pour le dire autrement :

C’est-à-dire : « La présentation des notions doit être rapportée et subordonnée aux explications et aux orientations qui lui donnent sens et que ce programme énonce explicitement [c’est-à-dire conformément aux « Perspectives » présentées, dans le Programme, avant les « Notions »]. Elle ne se réduit pas à une liste d’objets d’étude distincts et invite donc à ne pas traiter chaque notion comme un chapitre séparé des autres, sans toutefois imposer à l’avance au professeur une démarche philosophique dont il est seul responsable. Le programme garantit ainsi la liberté pédagogique du professeur de philosophie. » (BO Education Nationale - Programme de philosophie de terminale générale).


Ces précisions s’appliquent à plus forte raison aux trente-et-un « repères » : 

« les repères ne font en aucun cas l’objet d’un enseignement séparé ni ne constituent des parties de cours. »

(BO Education Nationale - Programme de philosophie de terminale générale).


Ces remarques sur le « programme » ont des conséquences précises sur l’approche attendue d’un sujet de dissertation. 

       A titre d’exemple, ce sujet de dissertation : Les objets techniques ne sont-ils que des outils à notre service?


  La question porte explicitement sur une des dix-sept notions : la technique. Cependant le traitement de la question conduirait à un hors-sujet si, d’aventure, son approche restait enfermée dans ladite notion. 

Car le sens de cette question est de se demander si les « objets techniques » ne sont que des moyens - des moyens utilisés pour arriver à nos fins - ou si ces « objets » ne transformeraient pas nos conditions de vie au point que nous nous mettions nous-mêmes au service de ces « moyens » pour entrer dans le cadre de vie que ceux-ci nous imposent. 

Concrètement, les objets techniques imposent désormais aux actions humaines leurs propres critères tous ordonnés à des principes d’efficacité dont le premier est la vitesse d’exécution. Ce modèle technique de l’action modifie notre rapport à l’espace et au temps et obscurcit le questionnement moral autant que la pensée politique au point que les humains puissent, face aux performances des objets techniques, éprouver ce que, dans L’obsolescence de l’homme, Günther Anders appelle la « honte prométhéenne ». En d’autres termes, le point de départ se trouve bien dans la notion de « la technique » mais la portée de la question, son horizon, concerne le questionnement moral, les modèles culturels et finalement l’organisation politique de nos communautés.