La conscience du temps, de l'espace
Certains
rendez-vous sont très lointains. Deux personnes peuvent prêter serment
afin de se retrouver après une longue séparation, un voyage ou même au
retour d'une guerre. Dès lors le temps est mis en commun : la durée est subjective
(le sentiment d'attente, comment le temps passe variera d'une personne à
l'autre), mais le décompte du temps doit se rapporter à une référence
commune (horloge, calendrier) pour permettre que les deux se retrouvent
au même moment.
De
même, pour le rapport à l'espace. Deux personnes peuvent se donner
rendez-vous dans un lieu où elles ne se trouvent pas déjà, où elles ne
se sont jamais trouvées ensemble, peut-être même où aucune d'elles ne
s'est jamais encore trouvée, mais dont les deux savent – en se
rapportant à des références communes, portant des noms et pouvant être
cartographiées – qu'il existe et qu'elles peuvent s'y retrouver.
Le langage pour promettre
Pour
donner rendez-vous, il faut que le présent puisse renvoyer à ce qui
n'est pas encore présent, il faut un signe présent qui puisse faire
signe vers ce qui n'est pas encore présent.
C'est
maintenant que nous nous donnons rendez-vous «tout à l'heure». C'est
aujourd'hui que nous disons «à demain!». C'est cette année que nous
disons : «A l'année prochaine!». Donner rendez-vous suppose donc
qu'on parle au présent d'un moment et d'un lieu qui ne sont pas présents
et qu'il faut se re-présenter. Un rendez-vous n'est pas une rencontre
hasardeuse ou même des retrouvailles imprévues. Un rendez-vous est en
deux temps, séparés par un intervalle qui crée l'attente : le
rendez-vous est une passerelle jetée entre les deux. Or il n'y a que le
langage qui peut « signifier », c'est-à-dire « faire signe vers » :
faire que le présent renvoie à quelque chose que les mots représentent à
même son absence : un lieu ailleurs et un moment à venir.
C'est
maintenant que je parle au futur en disant : « je viendrai » et c'est
ici que je parle d'un autre lieu en disant : «retrouvons-nous là-bas ».
Le sujet
Un
rendez-vous est donné quand quelqu'un s'adresse à quelqu'un d'autre,
quand une personne en particulier s'adresse à une autre personne en
particulier. Un rendez-vous est une parole donnée entre deux personnes,
entre deux sujets.
Les données d'un rendez-vous. Des personnes données disent qu'elles se retrouveront à un moment donné, dans un lieu donné.
Le fait qu'un rendez-vous n'a de sens que pour des sujets – et entre des sujets seulement - c'est ce dont on prend particulièrement conscience quand on est au bon endroit, éventuellement au bon moment, mais qu'on ne trouve pas la bonne personne (parce qu'elle est en retard, parce qu'elle ne viendra pas, etc.). Alors, comme sur un quai de gare (ou dans le café pris en exemple par Sartre dans un passage de L'être et le néant) toutes les personnes apparaissent un bref instant chacune en tant qu'individu à travers ses particularités subjectives (d'ailleurs je n'aurais peut-être jamais été aussi attentif à ces personnes si je n'en cherchais pas une autre tout particulièrement) pour ne se voir attribuer finalement qu'une particularité essentielle et commune à toutes, à savoir qu'aucune n'est la personne que je cherche.
Les données d'un rendez-vous. Des personnes données disent qu'elles se retrouveront à un moment donné, dans un lieu donné.
Le fait qu'un rendez-vous n'a de sens que pour des sujets – et entre des sujets seulement - c'est ce dont on prend particulièrement conscience quand on est au bon endroit, éventuellement au bon moment, mais qu'on ne trouve pas la bonne personne (parce qu'elle est en retard, parce qu'elle ne viendra pas, etc.). Alors, comme sur un quai de gare (ou dans le café pris en exemple par Sartre dans un passage de L'être et le néant) toutes les personnes apparaissent un bref instant chacune en tant qu'individu à travers ses particularités subjectives (d'ailleurs je n'aurais peut-être jamais été aussi attentif à ces personnes si je n'en cherchais pas une autre tout particulièrement) pour ne se voir attribuer finalement qu'une particularité essentielle et commune à toutes, à savoir qu'aucune n'est la personne que je cherche.
Autrui
Dans
un rendez-vous, deux désirs, deux volontés sont liées par une promesse,
qui ne repose que sur la confiance. J'ai conscience intérieurement de
ma volonté, mais il me faut croire en celle de l'autre. Je ne suis pas à
sa place. La défiance : viendra-t-elle ? Viendra-t-il ? Rapport au
désir de l'autre. Croire en l'autre, se fier à son serment. Dans un
récit, dans un film, la tension du spectateur s'accroît quand l'heure du
rendez-vous est arrivée et quand l'un tarde à retrouver l'autre. Simple
retard, obstacle extérieur ou manque de désir ?
Le désir
Savoir remettre à plus tard. Accepter que le temps doive s'écouler
pour qu'un projet puisse finalement se réaliser au mieux (ni trop tôt ni
trop tard). Accorder les emplois du temps respectifs (l'occupation du
temps pour l'un, l'occupation du temps pour l'autre). Etablir des
priorités. Considérer que maintenant ceci est plus important que cela,
mais que tout à l'heure ou demain rien ne saurait être plus important
que cela.
La liberté, le devoir, la morale
Donner rendez-vous c'est « donner sa parole ». Honorer le
rendez-vous c'est « tenir sa parole », « tenir sa promesse ». J'ai le
devoir d'être au rendez-vous, je dois vouloir y être, je pourrai donc ne
pas vouloir m'y rendre. Je prends conscience de ma liberté, en prenant
conscience que tout repose sur ma volonté de tenir mes engagements,
qu'il faut que je veuille jusqu'au bout ne pas trahir ma promesse.