Commentaire d'un texte de Arendt par Juliette Frugier,
Terminale L, Lycée Pasteur de Lille
1/ « biographie »,
« biologie » : ces deux constructions en français
vous semblent-elles également cohérentes par rapport à
l’étymologie de « bios » que rappelle Arendt dans son
texte ?
Le préfixe « bio » désigne
non pas le fait de vivre, mais la manière de vivre, le mode de vie
humain d’où concrètement les moyens de vivre, les ressources.
Le terme « biographie »
désigne le fais d’écrire une vie et le récit d’une vie. C’est
un ouvrage portant sur la vie d’une personne.
Le terme « biologie »
contient certes une trace de ce « bio », mais ici il ne
s’agit pas de parler de la vie d’une personne, mais c’est
plutôt le nom de l’étude générale des organismes vivants. Le
mot est en rapport avec l’importance prise par la notion
d’organisation et d’organisme, avec le concept de cellule et de
tissu vivants. Même si le mot a évolué, il garde toujours la même
base de signification c’est-à-dire, la science des êtres vivants
qui s’applique aux conditions générales de la vie, au niveau
physique, cellulaire.
Ainsi, après avoir rappelé les sens
de ces termes, nous pouvons dire que ces deux constructions en
français ne sont pas tout à fait cohérentes avec l’étymologie
de « bios ». L’un d’eux semble moins cohérent :
biologie. En effet, il s’agit de l’étude de ce qui est et ce qui
est suivant un processus naturel qui se fera de toute façon,
c’est-à-dire un corps déterminé. Le mot « biologie »
ne traite pas de l’être en tant que tel, mais bien plutôt de ses
changements cellulaires, physiques prévus, que l’on peut prévoir.
Bien sûr, nous pouvons toujours être surpris par la forme, mais le
processus même restera le même.
Tandis que le terme « biographie »,
lui, se rapproche du sens de « bios ». Effectivement, ce
petit mot traite du mode de vie, c’est-à-dire de ce qui se passe
entre la naissance et la mort, de manière linéaire, comme nous le
dit Arendt. Une biographie n’est pas une science, n’est pas la
science de la vie, c’est l’écrit de la vie. Il s’agit bien du
parcours et donc de ce qui fait qu’un être est ce qu’il est.
Nous pouvons remarquer qu’une biographie ne concerne que les êtres
humains. En effet, le récit de l’évolution d’une rose n’est
pas la même chose que le récit de la vie de Victor Hugo par
exemple. C’est là que se trouve le cœur du problème, prendre
« bios » au sens de vie en tant que processus naturel ou
le prendre dans son sens étymologique en tant qu’un enchaînement
d’événements se succédant entre la naissance et la mort.
2/ Un cycle naturel peut-il se
raconter, peut-il faire l’objet d’un récit, d’une histoire ?
Un cycle naturel peut être raconté
étape par étape, mais c’est sans fin. C’est-à-dire qu’à
partir du moment où l’on décide d’écrire, de raconter le cycle
naturel, il faut lui donner un début et une fin qui ne pourra être
qu’arbitraire, car dans un cycle il n’y a ni début, ni fin. On
comprend donc qu’un cycle naturel ne peut pas être raconté au
même titre que l’histoire d’un être humain. Effectivement,
détailler l’épanouissement d’une rose dans ses moindres détails
revient à une description d’un cycle qui est le même pour toutes
les roses, il ne s’agit donc pas d’un véritable récit, d’une
histoire, mais plutôt d’un écrit inscrivant linéairement un
cycle pour la connaissance que l’homme veut se faire des êtres
vivants. Raconter un cycle naturel sans début ni fin et raconter une
vie d’un être humain avec un commencement et une fin ne peut
revenir à la même chose, car ce sont des choses qui sont sur des
plans qualitativement différents. En effet, comment concevoir que
l’évolution de la graine du chêne puisse nourrir une histoire
sachant que ce que l’on raconte ne se terminera pas ? Certes,
nous pouvons y voir un véritable récit, captivé par l’évolution
des êtres vivants, mais ceux-ci ne participent pas de leur
évolution, ils la subissent.