C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Se dessiner, se peindre, se définir


   Un homme se dessine. Un homme fait le tour de lui-même. Des contours sont tracés.
   Et pourtant l'homme reste, semble-t-il, inachevé.


   A moins que ce ne soit le contraire. Peut-être est-ce avant, avant qu'il ne se dessine, ne se dépeigne, qu'il semblait fini, défini - alors qu'il ne l'était pas. Et parce qu'il l'a compris, alors l'homme a franchi le pas : il a décidé de terminer le dessin lui-même, de finir le trait de sa propre main, bref de boucler la boucle.
   Un homme se dessine, il se délimite lui-même. A la pointe de son pinceau il prend forme. Cette forme est à l'image et à la mesure d'une idée, l'idée qu'il se fait de lui-même. L'homme se trompe-t-il? Se fait-il une, mille illusions? Qu'importe! L'écart entrera dans le portrait, dans le dessin, dans la définition. Car ce que pense un homme, et ce qu'un homme pense de lui-même, doit entrer dans le tableau qui le dépeint.

  Un pas, un trait, un regard. Mais pas un seul mot, semble-t-il. Motus et bouche cousue. 
  L'écriture est partout cependant. Graphisme, graffiti, toute une grammaire déjà.
  De l'écriture, et même un récit, avec un début et une fin.
  Pourtant on hésite. 
  Le départ, était-ce cette idée, là, derrière la tête? Et la fin, alors, le point de contact entre le pointe du pinceau et le support de la feuille? Ou serait-ce l'inverse, avec un début dans le trait et un but sous le crâne? Car peut-être n'est-ce pas la pensée qui trouve une forme, mais une forme qui attendait d'être pensée?