C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

TMD / Cours du 4 avril / Spinoza

 Point commun entre les différents cours ces deux dernières semaines: la question du rapport entre réalité et représentation, la question du rapport de l'être humain à l'être en général (à l'être qu'il est lui-même en particulier):

  • La politique Hume, Hobbes, … Aristote

  • L'art nous éloigne-t-il de la réalité ?

  • Sartre, L'existentialisme est un humanisme y a-t-il une nature humaine ?
  • Est-ce une faiblesse de croire ?
Ce point commun peut être étudié à travers un nouveau texte, celui de  Spinoza, extrait des Pensées métaphysiques
Explication :
3 parties = 3 étapes dans une histoire, dans une chronologie... l'histoire de l'emploi des mots « vrai », « faux »... s'agissant de l'emploi d'un mot, la question se pose en effet de savoir si nous l'employons bien, si nous en usons correctement ou si nous n'en « abusons » pas. Car ce serait le comble si nous abusions du mot « vrai » lui-même.
« vrai », « faux » : des adjectifs qualificatifs … que qualifient-ils ordinairement... que devraient-ils qualifier ? A « quoi » devraient-ils en toute rigueur renvoyer ? Réponse de Spinoza : ils devraient en toute rigueur faire signe vers (telle est leur signification rigoureuse) d'autres mots, des propos, des idées, des représentations non pas les choses elles-mêmes. Car les choses en elles-mêmes ne sont ni vraies ni fausses, ce sont nos récits à propos des choses, nos pensées des choses, nos images, nos concepts, bref nos re-présentations qui peuvent l'être (ni « vraies » ni « fausses » les choses sont seulement présentes, réelles... et encore !).
Ex d'énoncés, d'affirmations, de propos ou propositions énonçant des propriétés, des qualités, des caractéristiques des choses elles-mêmes OU de ce que nous disons ou pensons sur les choses :
  • il pleut
  • il fait froid
  • c'est incohérent
    > à chaque fois, la question est : à « quoi » renvoie le démonstratif « c' »
[intermède : retrouvez l'auteur de cette phrase « pour moi, le plaisir n'est que douleur agréable»]
« L'analyse » proposée par Spinoza est à prendre au sens strict, au sens chimique de ce terme (ana-lyse) : ana-luein = séparer, délier. En effet le principal enseignement d'un tel texte est non pas de nous apprendre quelque chose de nouveau mais de nous rappeler ce que nous savions déjà et que nous préférerions oublier : les mots ne sont pas les choses, nos représentations ne sont pas la réalité présente, les concepts (produits par notre raison, notre esprit, notre conscience) ne sont pas les « choses » qu'ils nous permettent de penser.
« C'est vrai » (ou « c'est faux ») est une phrase, un énoncé, une affirmation, un propos. Mais, à la différence d'autres énoncés, cet énoncé se rapporte non pas à des choses, à des « faits », à des événements, à la réalité (extérieure à notre représentation), mais il se rapporte à (il qualifie) un autre énoncé, une autre représentation.
> si parmi les êtres, si au sein du réel, il n'y avait pas un être (l'être humain) capable de se représenter les êtres, capable de dire quelque chose sur l'être, sur les êtres, ALORS la question du vrai et du faux NE SE POSERAIT PAS.
C'est par l'homme que la question de la vérité surgit dans le réel.
Remarques : notre esprit est le « récipient », le réceptacle par lequel nous recevons (per-cevoir/ con-cevoir) la réalité extérieure. Soit. Mais toute réception, tout réceptacle informe ce qu'il reçoit, façonne, modèle, impose sa propre forme à ce qu'il permet de recevoir (l'exemple de l'eau, élément particulièrement plastique). Non seulement nos représentations ne peuvent garantir ce que sont les choses (leur essence) au-dehors de nous telles qu'elles sont en elles-mêmes, mais déjà elles ne peuvent attester le fait qu'elles sont (leur existence). Cf. Proust, RTP