« Considérées
comme parties du monde, les produits de l’œuvre – et non
ceux du travail – garantissent la permanence, la durabilité,
sans lesquelles il n’y aurait point de monde possible. C’est
à l’intérieur de ce monde de choses
durables que nous trouvons les biens de consommation par
lesquels la vie s’assure des moyens de subsistance. Nécessaires au
corps et produites par son travail, mais dépourvues de stabilité
propre, ces choses
faites pour une consommation incessante apparaissent et
disparaissent dans un milieu d’objets qui ne sont pas
consommés, mais utilisés et habités et auxquels, en les
habitant, nous nous habituons. Comme tels, ils donnent naissance
à la familiarité du monde, à ses coutumes, à ses rapports
usuels entre l’homme et les choses aussi bien
qu’entre l’homme et les hommes. Les objets d’usage sont
au monde humain ce que les biens de consommation sont à la
vie. C’est d’eux que les biens de consommation reçoivent
leur caractère d’objets ; et le langage, qui n’autorise pas
l’activité du travail à former quoi que ce soit d’aussi ferme,
d’aussi non verbal qu’un substantif, suggère que très
probablement nous ne saurions même pas ce qu’est un objet
sans avoir devant nous «l’œuvre de nos mains».
Qu'est-ce
qu'une « chose » ? > qu'est-ce que la réalité ?
Ce que nous appelons « réalité » est-il composé
vraiment de « choses » ? Si nous n'avions plus
autour de nous que des produits de consommation, serions-nous encore
parmi des « choses », serions-nous encore dans « la
réalité » ? Ou ne serions-nous pas plongés dans un
mauvais rêve ?
Ce
bref texte pose une différence fondamentale, celle entre un
« monde » et la nature, entre la permanence d'un
monde digne de ce nom (monde qui reste le même, idem, au sein
duquel nous nous transmettons des objets et des techniques =
savoir-faire + savoir comment utiliser ces « objets d'usage »)
et le renouvellement constant de la « nature ».
Or
c'est dans la stabilité des objets que les sujets que nous sommes
peuvent acquérir-conquérir (en la projetant ou plutôt en
l'intro-jetant) leur propre stabilité, leur propre identité.
Étymologies
utiles : per-man-ence, monde, stabilité, identité
monde
> immonde > émonder
pér-
ir
Heidegger,
Chemins qui ne mènent nulle part : « L'homme
meurt, l'animal périt »
avoir
> habere : habit habitat habitacle habitude habileté
habilitation
les
us et coutumes > us = usage