C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

TL1 / cours du 20 mars / Arendt / Prologue

Prologue 
2 événements non seulement présents mais représentatifs de notre présent : être contemporain de son temps ce n'est pas seulement vivre des événements mais les voir, les comprendre comme étant caractéristiques de notre présent, de notre époque, ce qui fait que cette époque est la nôtre
> toutes sortes d'événements se produisent « au présent » mais parmi certains ne sont que les effets, la suite de ce qui est venu avant, d'autres sont de véritables é-vénements (venir, devenir, avenir, ex-venir) : ils présentent le présent (comme une présentation de quelqu'un, dire qui est la personne).
Encore faut-il savoir voir, départager, interpréter, faire une lect-ure, une sé-lect-ion (comme une é-lect-ion, un prélèvement de certains parmi tous les événements présents). Deux faits, phénomènes, événements sont, selon Arendt, représentatifs de notre présent, de notre « monde moderne ». Rq : Arendt distingue « l'époque moderne » (qui commence au 17ème s.) et le « monde moderne » (qui coïncide avec notre condition nucléaire, cf. Jean Jacques Delfour, c'est-à-dire notre capacité à « détruire toute vie organique sur terre » p.35 ) :
1 ) Spoutnik I, cf. extrait n°27 : un artefact, « satellite artificiel » = un objet de plus, un objet plus performant qu'un autre ? > Arendt présente cet événement comme le signe d'un saut qualitatif (discontinuité, différence essentielle non pas seulement de degré) dans l'histoire des sciences et des techniques.
Dans le 1er paragraphe de ce prologue (p.33), donc de ce livre, elle ne tient pas un propos critique (Arendt n'est pas un auteur anti-ère technologique... etc.). Au contraire, elle s'étonnera dans les paragraphes suivants que ce véritable événement ne suscite pas plus de joie, d'enthousiasme de la part de ses témoins. Et, en effet, cette nouvelle invention de l'homo faber que nous sommes devrait susciter notre émerveillement, notre « étonnement ».
«corps célestes » , régularité des trajectoires astronomiques (dans l'histoire des sciences, l'astronomie, cette « géométrie céleste » - sphères célestes – est la première des sciences, à la fois la première chronologiquement et la première axiologiquement parce qu'elle est fondamentale, elle est un modèle pour toutes les autres sciences, y compris la géométrie).
Un objet humain trouve sa place parmi des corps parfaits, créés par des divinités, qui sont eux-mêmes (pour les grecs) des divinités... Cet objet est donc dans un autre espace que l'espace des hommes et dans un autre temps, il s'approche de l'éternité qui caractérise l'existence de ces astres. D'ailleurs, cet « objet » ne trouve plus sa place parmi tous les autres que nous avons fabriqués et que nous utilisons.

En revanche la critique d'Arendt porte sur notre interprétation, qui en fait un événement joyeux qu'indirectement : ce n'est pas en lui-même qu'il doit susciter de la joie et donc de l'émerveillement, mais c'est seulement qu'il apporterait une issue, une solution à ce qui est vécu comme un problème : la vie sur terre. Il faudrait se libérer, s'évader de la terre désormais vue comme une « prison ». Arendt nous fait remarquer que c'est la première fois dans l'histoire des idées, de la philosophie et des religions, qu'on a une telle idée, une telle interprétation de notre condition humaine : cette idéologie constitue un événement que ne semblent pas relever ses contemporains (« l'un des plus respectueux journaux américains »), annoncé pourtant de longue date (dès l'entre-deux guerre?) par une certaine littérature (la science-fiction).
> fantasme d'une destruction radicale de notre planète Terre et nécessité économique de la production d'infra-structures qui permettraient d'habiter une autre planète...selon notre logique économique « moderne », (selon notre « moderne » conception de la richesse, des biens, des valeurs) qui veut que notre prospérité réside dans une « croissance » laquelle impose, pour être sans limite, que nous détruisions, consumions, tout ce que nous construisons, produisons à seule fin de le … reconstruire, de le re-produire. Ce qui est la logique cyclique de « la vie » et du « travail ».

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