C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Cours du 11 mars / la "condition" humaine et le "faire" humain / ce que sont les hommes > ce qu'ils font

  •  Condition n'est pas nature : la « nature » d'un être (son anatomie dans le cas d'un «être vivant » , sa structure dans le cas d'un outil, …) détermine son comportement … à l'inverse, la notion de condition est inséparable de la notion de possibilité (« condition » = ensemble de dispositifs qui sont ainsi mais qui pourraient être autrement), donc de choix (entre deux possibilités) … de libre-arbitre (pour « trancher » entre l'une et l'autre des possibilités)
    par ex : tous les objets fabriqués par l'homo faber auraient pu ne pas être fabriqués > ce qui existe grâce à l'homme aurait pu ne pas exister : l'homme ne pourra donc pas être mis hors de cause (ex-cusé) s'il arrivait que ce même objet « utile » se révèle nuisible.
    > de même que l'acte de fabriquer met l'homme devant sa responsabilité, de même l'utilisation impose à l'homme une décision concernant la « façon » (> verbe « faire » > facere > façonner) d'utiliser l'objet > le «refuge » de Gurs qui se transforme en prison contre l'ennemi puis en camp de détention et de transit (vers Drancy et Auschwitz) vers les camps d'extermination.
  • Les hommes se donnent eux-mêmes leurs propres « conditions de vie » = mode de vie … mais à ce « mode » d'existence (ensemble des moyens qui leur permettent de vivre) correspond un modèle d'humanité (le projet de qui ils veulent être, l'idéal d'être, une raison d'être, de vivre...)
  • toute activité a son lieu et son temps propre, approprié = a ses conditions d'exécution, de mise en pratique : en un sens, tout ou ...presque ! peut être « fait » mais pas n'importe où, n'importe quand. > la « pudeur », la « décence », l'  « obscénité » . > C'est tout l'enjeu de la frontière entre « domaine privé » et « domaine public » (ch. 2 de CHM) : rappeler cette délimitation (que nous, « modernes », nous aurions oublier selon Arendt) pour savoir non pas seulement ce que nous avons à « faire » mais aussi dans quel lieu peut être « fait », peut avoir lieu « ce que nous faisons ».
  • Kant, Logique : 3 questions fondamentales :
  1. Que puis-je connaître ? (Critique de la raison pure)
  2. Que dois-je faire ? (Critique de la raison pratique)
  3. Que m'est-il permis d'espérer ? (Critique de la faculté de juger = Critique du jugement)
   Or ces 3 questions se déduisent, écrit Kant dans sa Logique, d'une seule question :
Qu'est-ce que l'homme ?
...qui est donc une question essentielle puisque elle porte sur l'essence de l'homme (sa « nature » ou plutôt sa « condition »).
   Chacun d'entre nous doit donc hiérarchiser ces questions... hiérarchie qui met en jeu les différents usages de notre « raison ». Certes, l'humain est un être raisonnable, doué de la faculté de raisonner – ce qui ne veut donc pas dire qu'il va nécessairement raisonner (l'humain peut ne pas raisonner, il doit donc décider d'être raisonnable), ce qui ne veut pas dire non plus qu'il va se servir de sa raison nécessairement d'une façon déterminée : par ex. il devra librement donner sa priorité à un usage logique (logos en grec)  rationnel (ratio en latin) ou à un usage raisonnable de sa raison. 
L'irrationnel : problème de cohérence, de vérité, de validité logique dans notre "connaître"
déraisonnable : problème de sens, de la valeur, de dignité dans notre "commettre", dans notre "faire".