C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

La dissertation : abécédaire

Argumenter
La qualité d'une copie ne dépend pas des idées qu'elle contient, mais des liens logiques que le candidat arrive à établir entre ses idées. Des idées, même "belles", même "généreuses", ne rapportent pas de points! Seul le lien qui permet de passer de l'une à l'autre est valorisé. 
"Ce n'est pas avec de bons sentiments qu'on fait de la bonne littérature" : ce que André Gide dit de la littérature, on pourrait le dire des bonnes ...dissertations.
C'est pourquoi il ne s'agit pas de chercher à plaire à son lecteur, de chercher quelles idées pourraient lui agréer, encore moins d'essayer de se rapprocher de celles qu'on lui suppose.
Bref, il s'agit non pas de "mettre des idées dans sa copie" mais de déduire les idées les unes des autres. C'est ce qui a lieu tout au long du développement jusqu'à la conclusion, c'est-à-dire jusqu'à votre point d'arrivée,  votre but poursuivi, votre prise de position finale. Voir "Plan".

Citation
Ne jamais la placer pour ..."faire bien", pour "faire beau"! Car, selon cette stratégie, c'est toujours les mêmes citations qui, le jour de l'examen, reviennent d'une copie (..pas bonne) à l'autre. 
Une citation n'a pas une fonction décorative, mais argumentative.
Elle est faite pour restituer de façon dense un raisonnement qu'on trouve déjà formulé chez un auteur. Elle permet donc de montrer que votre pensée s'inscrit dans une histoire de la pensée (nul n'est le premier à penser car il aura appris par d'autres à le faire) et elle vous permet de progresser dans votre argumentation en utilisant, comme une passerelle déjà construite, une étape clé-en-main - à condition d'expliquer le sens de la phrase citée!


Disserter
C'est "sertir", donc assembler, entrelacer. Il s'agit d'une sorte de tissage, si on quitte le registre du joaillier pour celui du tisserand. D'ailleurs, un "texte" est un "textile" : il y a les fils qui vont dans le sens de la chaîne (la prise de position?) et ceux qui vont dans le sens la trame (les objections?). 
Voir "Argumenter".

Exemples 
Ils sont importants pour illustrer votre propos mais aussi pour montrer que vous savez observer la réalité. C'est pourquoi les exemples doivent être les plus ordinaires qui soient - tout le contraire de phénomènes spectaculaires ou de faits divers exceptionnels, ce qui laisserait penser, sinon, qu'il faut de l'extraordinaire pour que nous nous penchions enfin sur la réalité. 
Les exemples de situations qu'on trouve dans la littérature (roman, théâtre, etc.) sont très utiles : parce qu'ils sont censés être connus de votre lecteur (vous n'avez donc pas longuement à les exposer et vous pouvez vous concentrez sur l'analyse de l'exemple) et parce qu'ils sont utilisés par l'auteur justement pour décrire des faits ordinaires de l'existence. Il est si difficile de décrire ce qu'on voit, surtout si on le voit ordinairement.
Les exemples doivent donc concerner des situations, des faits ou actions ordinaires et, par ailleurs, ils doivent être peu nombreux. Un exemple pour illustrer une idée est suffisant s'il est analysé (si vous montrez en quoi il est l'illustration de votre propos).


Introduction
Elle est décisive. Elle se présente en 3 étapes logiquement liées :
  1. "La plupart du temps on dit que... (on pense  que...)" : commencez par donner sens à la question en rappelant l'opinion sur laquelle porte la question et qu'elle ...remet en question. Commencez par réveiller le présupposé, voire le simple préjugé, qui fait qu'il faut poser la question. Donc, dans un premier temps, il s'agit moins de définir en toute rigueur les termes de l'intitulé, mais de rappeler comment on a coutume de les définir ... pour mieux montrer que cette façon de voir, cette "définition", est logiquement intenable.
  2. C'est dans cette deuxième étape qu'on oppose au préjugé une objection de telle façon à montrer qu'il est nécessaire, comme on dit, de ...revoir la question, qu'on ne peut pas en rester là!
  3. Puisqu'il faut "revoir la question" il faut aussi la reformuler, c'est-à-dire énoncer un problème et indiquer dans quelle direction on pense le résoudre : c'est la fonction de cette troisième et dernière étape.


Plan
Il n'est pas absolument obligatoire de l'annoncer (à la fin de son introduction) ...surtout s'il s'agit d'annoncer soit des parties qu'on ne traitera pas en réalité (premier cas très fréquent à l'examen), soit des parties entre lesquelles votre lecteur ne pourra voir aucun lien précis  (second cas tout aussi fréquent) tant qu'elles n'auront pas été vraiment développées! Dans ces deux cas, c'est une grave contre-performance!
En revanche il faut, évidemment!, avoir un plan, c'est-à-dire une suite claire et précise dans son développement pour que le lecteur suive le déroulement de votre réflexion à travers ses étapes. "Suite", "poursuite", le point le plus important est en effet celui-ci : quel but poursuivez-vous? voulez-vous conduire votre lecteur et voulez-vous allez vous-même?
En réalité, la troisième et dernière partie de l'introduction ne sert pas à annoncer un plan, mais à poser le plus clairement possible un problème et, par la même occasion, à indiquer la direction dans laquelle on souhaite résoudre ce problème. Car certaines questions sont rhétoriques! 
Souvent, le candidat "remplit" son introduction en annonçant un plan parce qu'il n'a pas su formuler un problème avec précision et rigueur.


Transitions 
Toutes nécessaires : non seulement entre les parties, entre les sous-parties, mais entre les idées elles-mêmes qui doivent être logiquement déduites les unes des autres. Voir "Argumenter". 
Une véritable transition ne consiste pas en un simple mot qui jouerait le rôle de "connecteur logique". Elle consiste en un véritable raisonnement qui revient, à peu près, toujours à dire : étant donné ce qui vient d'être affirmé on pourrait à présent en venir à dire que...ou, au contraire, à objecter que...
Une dissertation est un dialogue avec soi-même dans lequel, en vue d'approfondir une prise de position (étape n°1), on la met à l'épreuve par des objections (étape n°2) qu'on s'efforce de surmonter en vue de consolider la position (étape n°3)... à moins qu'il ne faille y renoncer si l'objection s'est avérée pertinente (même étape ... qui va cependant orienter le parcours tout à fait autrement!)

Une dissertation rédigée : Pourquoi faudrait-il une raison de vivre?