« Le
mot Je est le sujet, apparent ou caché, de toutes nos pensées. Quoi
que je tente de dessiner ou de formuler sur le présent, le passé ou
l’avenir, c’est toujours une pensée de moi que je forme ou que
j’ai, et en même temps une affection que j’éprouve. Ce petit
mot est invariable dans toutes mes pensées. Je change, je vieillis,
je renonce, je me convertis ; le sujet de ces propositions est
toujours le même mot. Ainsi la proposition : je ne suis plus
moi, je suis autre, se détruit elle-même. De même la
proposition fantaisiste : je suis deux, car c’est l’invariable
Je qui est tout cela. D’après cette logique si naturelle, la
proposition Je n’existe pas est impossible ».
Alain,
Eléments de philosophie (1940)