Sartre,
EN, p. 3 l.21 « cohérence d'un existentialisme athée »
remarque
préalable : une déclaration d' « athéisme »
ne suffit pas à s'affranchir du cadre propre à cette pensée
« théiste ». Dans le § précédent Sartre a en effet
montré que l'affirmation selon laquelle l'homme aurait une nature,
c-à-d une pré-définition, suppose en réalité qu'un être,
distinct de tous les êtres existants définis par cette définition,
donc un être « transcendant » (le contraire :
« im-manent »), ait pensé au préalable cette
définition.
Donc
d'après ce raisonnement, même le siècle des Lumières, même des
auteurs comme Voltaire, ont pour socle de leur « doctrine »
des présupposés religieux.
>
ex d'un anglicisme masqué … « espace-fumeur » +
exemple d'une pensée discriminatoire qui n'a pas conscience d'elle
et qui continue d'avancer sur les bases, et donc d'abord la langue
(le vocabulaire) d'une pensée d'exclusion, d'une pensée
« raciste ». > ces remarques rappellent que l'effort
pour changer d'attitude passe prioritairement par un effort
concernant les mots employés à travers lesquels nous visons le
monde, la réalité (cf. G. Mounin, Clefs pour la linguistique :
la langue est « un prisme »).
la
question de « la cohérence » (entre penser que l'homme
n'a pas de définition déjà donnée, déjà imposée et penser
qu'il y aurait cependant un être à l'origine de tous les êtres
créés selon une certaine définition) est plus délicate que semble
le dire Sartre.
Cette
question peut se reformuler plus prosaïquement ainsi : est-il
plus facile de créer un être indéfini (qui doit se définir) que
de créer un être prédéfini, déjà équipé pour être, dont le
comportement est prédéterminé par sa « nature » ?
Pour
faire des êtres tels que « les animaux » (qui ont une
« nature », qui sont donc « ce qu'ils sont »
et qui sont déterminés dans leur comportement par cette nature, par
ce qu'ils sont), fallait-il un être transcendant PENSANT, qui
réfléchisse, qui veuille (qui ait un ESPRIT et une LIBERTé) ou une
simple « nature » ne suffisait-elle pas ?
« Nature », « la nature », c'est-à-dire une
force qui produit ses effets (= la nature engendre des « êtres
naturels », qui à leur tour engendrent d'autres êtres pareils
à eux-mêmes ou selon une évolution qui n'est pas réfléchie,
intentionnelle) de façon aveugle et non-intentionnelle : sans
esprit (faculté de se représenter l'idée de la chose avant
l'existence de cette chose) et sans liberté, sans désir (faculté
de vouloir et de valoriser ce qu'on s'est préalablement représenté).
Ne
fallait-il pas une divinité, un artisan qui pense et veut réaliser
ce qu'il pense, pour créer l'humain, cette « œuvre
indistinctement imagée » selon La Mirandole, auteur de De
la dignité de l'homme et un
des fondateurs de l'humanisme à la Renaissance?
...alors
que, pour engendrer des « images », de simples
« images », « distinctes », la biologie
moderne ne nous apprend-elle pas qu'une nature, une force naturelle
(= non-réfléchie, non-intentionnelle) suffit ?
NB :
l'intérêt d'une telle réflexion est aussi d'éclairer la question
de l'art, de la beauté : qu'est-ce qu'une belle forme ?
Quelque chose de « spécialisé », de « spécifique »
ou au contraire une forme simple, plastique, qui n'est rien de défini
mais se prête (par l'interprétation) à toutes les interprétations
> une « vraie » œuvre (d'art) n'a pas de « message ».
Conclusion :
il a plus d'art dans l'élaboration d'une forme simple, plastique,
qui doit se former elle-même, se donner une forme, se « formuler »
(dans la transformation d'elle-même mais déjà dans sa
« formulation » au sens de formulation verbale, à
travers des mots, des noms, des appellations). Question : la
divinité créatrice de l'humain lui a-t-elle donné un nom ou lui
a-t-elle aussi laissé la liberté de s'appeler, de se nommer, de se
donner un nom ?
3.
La subjectivité, le choix d'une image de l'homme [p3 l.21 > p.4
l.30]