Distribution :
ÉrosPoros, l'Ouverture
Pénia, la Pénurie
Aphrodite, la Beauté
Métis, l'Intelligence rusée
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« À la naissance d'Aphrodite, il y eut chez les dieux un
festin où se trouvait, entre autres, Poros, fils de Métis. Après
le repas, comme il y avait eu grande chère, Penia s’en vint
demander quelque chose, et se tint auprès de la porte. En ce moment,
Poros, enivré de nectar (car il n’y avait pas encore de vin), se
retira dans le jardin de Zeus, et là, ayant la tête pesante, il
s’endormit. Alors Penia, s’avisant qu’elle ferait bien dans sa
détresse d’avoir un enfant de Poros, [203c] s’alla coucher
auprès de lui, et devint mère de Éros. Voilà d’abord
comment, ayant été conçu le jour même de la naissance d'Aphrodite,
l’Amour devint son compagnon et son serviteur, outre que de sa
nature il aime la beauté, et qu'Aphrodite est belle.
Maintenant, comme fils de Poros et de Penia, voici quel fut son
partage. D’un coté, il est toujours pauvre, et non pas délicat et
beau comme la plupart des gens se l’imaginent, mais maigre, défait, sans chaussure, sans domicile, point d’autre lit que la
terre, point de couverture, couchant à la belle étoile auprès des
portes et dans les rues, enfin, en digne fils de sa mère, toujours
misérable. D’un autre côté, suivant le naturel de son père, il
est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est
mâle, entreprenant, robuste, chasseur habile, sans cesse combinant
quelque artifice, jaloux de savoir et mettant tout en œuvre pour y
parvenir, passant toute sa vie à philosopher, enchanteur, magicien,
sophiste. Sa nature n’est ni d’un immortel, ni d’un
mortel : mais tour à tour dans la même journée il est
florissant, plein de vie, tant que tout abonde chez lui ; puis
il s’en va mourant, puis il revit encore, grâce à ce qu’il
tient de son père.
Tout ce qu’il acquiert lui échappe sans cesse : de sorte que Éros n’est jamais ni absolument opulent ni absolument
misérable ; de même qu’entre la sagesse et l’ignorance il reste sur la limite, et voici pourquoi : aucun dieu ne
philosophe et ne songe à devenir sage, attendu qu’il l’est
déjà ; et en général quiconque est sage n’a pas besoin de
philosopher. Autant en dirons-nous des ignorants : ils ne
sauraient philosopher ni vouloir devenir sages : l’ignorance a
précisément l’inconvénient de rendre contents d’eux-mêmes des
gens qui ne sont cependant ni beaux, ni bons, ni sages ; car
enfin nul ne désire les choses dont il ne se croit point dépourvu.
— Mais, Diotime, lui dis-je, quels sont donc les gens qui font de
la philosophie, si ce ne sont ni les sages ni les ignorants ? — Il est tout simple, même pour un enfant, répondit-elle,
que ce sont ceux qui tiennent le milieu entre les uns et les autres,
et Éros est de ce nombre. La sagesse est une des plus belles
choses du monde, or Éros est amoureux de ce qui est beau, d’où
il suit que Éros est amoureux de la sagesse, c’est-à-dire
philosophe, et qu’à ce titre il tient le milieu entre sage et
ignorant. Tout cela, par le fait de sa naissance : car il vient
d’un père sage et qui est dans l’abondance, et d’une mère qui
n’est ni l’un ni l’autre. Telle est, mon cher Socrate, la
nature de ce démon. »