C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

Sartre / Les chemins de la liberté / Présentation du roman

 Les trois parties du roman présentées par un lecteur sur le site Babelio ("réseau social dédié aux livres et aux lecteurs, qui permet de créer et d'organiser sa bibliothèque en ligne, d'obtenir des informations sur des œuvres, de partager et d'échanger ses goûts et impressions littéraires avec d'autres lecteurs"):

     « Les chemins de la liberté est une œuvre qui se présente en fait comme une somme romanesque. En effet, si vous avez eu le plaisir de lire «La Nausée», vous redoublerez d'un plaisir de même intensité pour la lecture de ce qui a attrait à la liberté, et dont le thème pourrait s'intituler: «Le malheur, c'est que nous sommes libres». Tout simplement, «La Nausée» aurait bel et bien une suite.
L'âge de raison est un récit créatif décrit «dans la bonace trompeuse» des années 30, où un cercle restreint de quelques vies individuelles «bien cloisonnées» s'attirent et se fuient en l'espace de quelques jours. Pour préserver une liberté devenue sans objet, Mathieu Delarue, professeur de philosophie, refuse de s'engager avec Marcelle, enceinte de lui; il traverse le tout Paris pour réunir la somme nécessaire à l'avortement de son amie. le récit est bien ficelé, construit à la méthode d'une pièce de Théâtre des boulevards, obéissant à une unité d'action, de lieu, d'idée; tout est minutieusement calculé.
Quant au Sursis, roman achevé en 1944, on y découvre l'effervescence de l'Histoire dans un univers individualiste et ordonné, à l'aube grise de cette seconde guerre, où l'invasion de la Tchécoslovaquie, la mobilisation décrétée en France et les accords de Munich prennent forme. La technique d'écriture est différente: accélération, morcellement du temps, notion d'espace et d'intrigue constituent autant d'ingrédients qui font tourbillonner l'histoire; nous y trouvons même des acteurs de L'Âge de raison, mêlés à une foule de héros célèbres et anonymes. Suit La mort dans l'âme, récit publié cinq ans plus tard dans lequel on peut vivre en même temps que Mathieu Delarue, l'épisode époustouflant de la débâcle de son régiment ainsi que bon nombre d'évènements qui ne méritent pas, à mon sens, d'être trop rapidement décrits dans un commentaire.
Il faut profiter de lire cette œuvre inégalable de Jean-Paul Sartre. Pourquoi?
Nous ne sommes malheureusement pas sans savoir qu'au début des années 50, au moment précis des Mots, l'écrivain se trouve en pleine période d'autocritique (forme de syndrome dépressif pour un homme de lettres) et de rejet de la littérature. C'est à ce moment là qu'il entreprend son autobiographie.
S'agissait-il d'une lumière de révélations ou pas, en tout cas, c'est bien à cette période-là qu'il écrivait: «Jeté dans l'atmosphère de l'action, j'ai soudain vu clair dans l'espèce de névrose qui dominait toute mon œuvre antérieure.»
Il y a un peu plus de trente ans que «la pape de L'existentialisme» décédait. Après Voltaire et Hugo, Sartre fut aussi un maître à penser, un créateur, un vulgarisateur.
Je pense qu'il aurait eu sa place en plein siècle des Lumières; c'était plus fort que moi, mais çà il fallait que je le dise.
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