C.-O. Verseau professeur agrégé de philosophie

T TMD - DS du 20 septembre - Lectures préparatoires

«Beaucoup de choses sont étonnantes,
mais rien n'est plus étonnant que l'homme» Sophocle, Antigone


Les cinq parties du programme, et leurs sous-parties, sont à chaque fois l'occasion de revenir sur la définition de l'homme, sur la question : qu'est-ce que l'homme ? Non pas seulement pour savoir si telle définition serait exacte et si une autre serait erronée, plutôt pour savoir si l'être humain est un être qui peut être défini. Car dire que l'être humain serait l'être « le plus étonnant », n'est-ce pas prétendre qu'il serait inclassable, insituable et donc indéfinissable ?

Les questions suivantes visent, d'une part, à prendre la mesure de ce que signifie « s'étonner », d'autre part à présenter l'être humain comme un être qui peut s'étonner de ce qui est, de tout ce qui est, des autres êtres et finalement lui-même.

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A. « S'étonner »

1 Un sens fort (aujourd'hui affaibli) : Le mot est formé sur le même radical que les verbes « tonner, détonner » et que le mot « tonnerre ». Tout comme le mot « ravir » (cf. « ravin », « rapace », « rapt »), le mot « étonner » a donc au départ un sens particulièrement fort. C'est ce qu'on peut constater dans les emplois du mot appliqué à la matière (Source : Trésor de la langue française) :

a) en architecture : Ébranlement ou lézarde dans une maçonnerie provoquée par un choc : « L'explosion n'a heureusement pas produit l'étonnement des voûtes » b) art vétérinaire : Contusion du sabot par un choc violent avec hémorragie sous-ongulée : « Étonnement du sabot » c) Joaillerie : fêlure d'un diamant occasionnée par un choc d) Minéralogie :Technique d'éclatement de certaines pierres par le feu : « En expérimentant l'action du feu sur le silex, on reconnaît qu'il le fait habituellement fendre et éclater (...). C'est ce qu'on appelle l'étonnement par le feu. »

Question : Quelle idée se dégage des emplois du mot appliqué à la matière dans les domaines techniques ? Comment transposer cette idée pour expliquer ce qu'est l'étonnement au sens moral (spirituel) quand quelqu'un s'étonne de quelque chose ?


2. Peur et étonnement
Distinguez l'étonnement de la peur : si tout être vivant semble pouvoir éprouver de la « peur », que faut-il pour pouvoir « s'étonner » ?

3. Surprise et étonnement. Ce que je n'avais pu prévoir me surprend (par ex. rencontrer un voisin de quartier lors d'un voyage dans un pays lointain), mais c'est ma façon de voir qui va changer entièrement si j'ai été étonné (constater par ex. que les us et coutumes sont là-bas entièrement différents de ceux d'ici, qu'on s'adresse aux autres autrement, qu'on aime autrement, qu'on est heureux ou malheureux autrement, etc.).

Question : distinguez le véritable « étonnement » d'une simple « surprise » à partir de vos deux propres exemples, que vous analyserez.

B. L'homme s'étonne de l'ensemble de ce qui est 
Questions sur le texte de Pascal p.31 : « Que l'homme contemple doncla nature entière... »

1. Question : Pour s'étonner, suffit-il de voir ?
Commencez par constater que, dans le texte de Pascal, les mots relevant du registre de la vue sont en effet nombreux puis affinez votre lecture afin de répondre à la question : Pour s'étonner, suffit-il de voir ?

cf. « Que l'homme contemple » (1), « qu'il éloigne sa vue » (2), «Qu'il regarde » (2), « que la terre lui paraisse comme » (4), «  qu'il s'étonne de » (5), « si notre vue s'arrête là que l'imagination passe outre » (7), « que notre imagination se perde dans cette pensée » (14), « Que l'homme considère » (15), « qu'il se regarde comme » (16) , « qu'il apprenne à estimer » (17), « lui présenter un autre prodige aussi étonnant » (20), « lui faire voir là-dedans » (30), « dans ces merveilles aussi étonnantes » (36), « qui n'admirera que » (38), « Qui se considérera » (40), « sa curiosité se changeant en admiration » (43), « dans la vue de ces merveilles » (43), « contempler en silence » (44).

2. La plus grande partie du texte est écrite au subjonctif, qui traduit un souhait, une recommandation, voire un commandement : « Que l'homme contemple donc... ».
Question : L'étonnement relève-t-il d'un simple état de passivité ou constitue-t-il un acte ?

3. Les choses dont on s'étonne étaient déjà sous nos yeux avant même qu'on s'en étonne, parfois devant nous, voire tout près de nous.
Question : vérifiez dans le texte de Pascal que l'étonnement porte autant sur le proche que sur le lointain et que l'étonnement est une expérience qui « ouvre les yeux », « apprend à voir », fait « prendre conscience ».

4. On dit : « je m'étonne de quelque chose» comme on dirait «je me lave», « je me lève », « je m'ennuie », « je m'aperçois que », etc. 
Question : en prenant appui sur les dernières lignes du texte (46-49) vous demanderez de quoi on s'étonne quand on est étonné : s'étonne-t-on de quelque chose ou de soi-même?

C. L'homme s'étonne de lui-même, de sa propre monstruosité
cf. Œdipe et le sphinx – Anthologie p.3 / ici 

1. Une énigme est une phrase interrogative et pourtant ce n'est pas une question. Une énigme est en effet la réponse à une question. Par exemple, l'énigme du sphinx est une définition de l'être humain, c'est-à-dire une réponse à la question : qu'est-ce qu'un humain ?
Question : Montrez que toute énigme fait appel à la capacité de s'étonner.


2. Seul Œdipe a su vaincre le sphinx. Les Thébains y verront une incomparable prouesse puisqu'ils le jugeront digne de devenir leur roi.
Question : Selon vous, qu'est-ce qui rendait le face à face avec le monstre si redoutable?


3. Dans le tableau de Moreau, le sphinx et Œdipe ont l'un sur l'autre un même regard, un regard de même qualité, entre envoûtement, fascination et hypnose.
Question : Comment interprétez-vous ce phénomène de miroir ?



D - Pourquoi parmi les choses étonnantes l'homme serait-il la plus étonnante ?