«Supposez
que quelqu’un prétende, à propos de son inclination à la luxure,
qu’il lui est absolument impossible d’y résister quand l’objet
aimé et l’occasion se présentent à lui : si, devant la maison où
cette occasion lui est offerte, un gibet se trouvait dressé pour l’y
pendre aussitôt qu’il aurait joui de son plaisir, ne
maîtriserait-il pas alors son inclination ? On devinera
immédiatement ce qu’il répondrait. Mais demandez-lui si, dans le
cas où son prince prétendrait le forcer, sous la menace de la même
peine de mort immédiate, à porter un faux témoignage contre un
homme intègre qu’il voudrait supprimer sous de fallacieux
prétextes, il tiendrait alors pour possible, quelque grand que
puisse être son amour pour la vie, de le vaincre quand même. Il
n’osera peut-être pas assurer qu’il le ferait ou non ; mais que
cela lui soit possible, il lui faut le concéder sans hésitation. Il
juge donc qu’il peut faire quelque chose parce qu’il a pleinement
conscience qu’il le doit, et il reconnaît en lui la liberté qui
sinon, sans la loi morale, lui serait restée inconnue. »
Kant,
Critique de la raison pratique (1788)